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par d’Argenson à ce sujet les font clairement pressentir. On remarquera aussi qu’il ne semble pas reconnaître une réelle gravité dans les bizarreries du Duc d’Orléans.

« Dévot, studieux, bien de l’esprit, quoi qu’on dise, encore que ce ne soit pas l’esprit des grandes affaires, courageux naturellement, quelques bizarreries que donne la retraite… tel est cet homme qui va rester seul, sans conseil (il voulait être son propre chancelier) au milieu de grandes affaires patrimoniales et d’une si grande maison ; Mme la Princesse de Conti (belle-mère de son fils) ne cherche que les moyens de le faire interdire et de le déclarer fou. Que d’embûches ! Comment y résistera-t-il ?… déjà on le dévore des yeux, cela fait grande pitié ! Si cependant M. le Duc d’Orléans étoit attaqué si sérieusement que cela, je ne doute pas qu’il ne trouvât asile au Parlement, et qu’y présentant sa requête, cela ne fit quelque soulèvement dans Paris. »

Il n’y avait plus cependant à le dissimuler ; les extravagances du Prince devenaient vraiment inquiétantes. À ce moment, il acheva de prendre en aversion son fils avec lequel il avait déjà eu maintes difficultés. A Saint-Cloud, en effet, le Duc et la Duchesse de Chartres menaient train princier : fêtes, réceptions, comédies se succédaient, ce que le Duc d’Orléans désapprouvait, mais qu’approuvait Barbier : « On peut dire à cela que le fils fait ce qu’un grand Prince de son âge doit faire, et que le père ne remplit pas, aux saluts de Sainte-Geneviève, la place du premier prince du sang. »

La brouille devint définitive sur une lubie provoquée par l’acte d’une folle qui s’était un jour jetée aux pieds du Prince pour lui révéler qu’elle avait donné sa propre fille au Duc de Chartres, afin qu’il la fit passer pour sienne.

Aussi, quand ce dernier, qui cherchait à se réconcilier avec son père, vint lui annoncer que la Duchesse, sa femme, était à nouveau sur le point d’accoucher, la hantise d’une substitution traversa l’esprit du Duc d’Orléans.

Il se rendit chez le chancelier de France pour le prévenir qu’il ne reconnaîtrait pas plus cette grossesse que les autres, si le cérémonial de droit n’était observé. Il prétendait, en effet, que sa belle-fille étant première princesse du sang, Je chancelier devait, en qualité de commissaire du Roi, assister à ses couches. En conséquence, plus de huit jours avant l’événement,