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faisait ne plus supporter que quelques hommes : encore ceux-ci jouissaient-ils seulement près de lui d’une tolérance passagère, et qu’il était le premier à ne pas reconnaître durable. « Quelquefois, — dit d’Argenson, — il parle raisonnablement et éloquemment, mais, le plus souvent, il fait des pointes et tombe dans de véritables écarts. »

Enfin voilà Louis d’Orléans l’hôte de Sainte-Geneviève où il paie pension d’un louis par jour pour lui et son petit laquais. Dans la cellule moniale que, de son palais, il avait entrevue comme le port du salut, sa vie ne subit pas un grand changement, partagée entre ses pénitences et le travail. L’explication des livres saints ne suffit plus à son goût de la précision. Ce n’est pas seulement la valeur d’un texte qu’il a l’ambition de fixer maintenant, mais la place même du Paradis terrestre. Daniel Muet, évêque d’Avranches, qui venait de mourir, avait tenté pareille entreprise, le Duc d’Orléans prétendit l’achever. Tranquille, désormais, sur ce point de géographie, il se replonge dans l’Écriture Sainte. De longues heures, il discute, avec les pauvres génovéfains qui n’en peuvent mais, la ponctuation d’un verset hébreu ; quelques lignes d’un psaume l’occupent souvent des mois entiers et lui inspirent une dissertation de cent pages. Étaient-elles toutes de lui ? Il est permis de se le demander après avoir lu le début de la pétition suivante copiée dans un registre des Archives Nationales : « Auguste-François Gault, professeur en langue syriaque au Collège Royal, expose qu’il a enseigné à Monseigneur, pendant quinze mois de suite, les langues syriaque et grecque, qu’il a fait pour son services-pendant plus de dix ans, divers ouvrages de littérature orientale et qu’il a revu plusieurs de ceux du Prince, etc., que tout cela lui a emporté beaucoup de temps etc. » L’érudition sacrée de Louis d’Orléans, sa vanité suprême, pourrait donc bien avoir été achetée à d’obscurs et peu rétribués « collaborateurs. » Quoi qu’il en ait été, occupation plus saine, il catéchisait les enfans ou prenait ses pinceaux. La peinture était le seul art d’agrément qu’il eût jamais pratiqué.

Son hagiographe Néel, dans un ouvrage devenu introuvable et dont, seul, peut-être, subsiste le manuscrit conservé aux Archives Nationales, consigne les détails quotidiens de la vie du Prince. Nous apprenons ainsi qu’il couchait sur une simple paillasse, sans autre couverture, souvent, que son manteau :