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naturelles excuses : il ne pardonna jamais à Louis d’Orléans ce mauvais accueil.

« Je vis, dit-il, un homme tout empêtré, tout hérissé, point affligé, mais embarrassé à ne savoir où il en étoit. Je lui fis le compliment le plus fort, le plus net, le plus clair et à haute voix. Il ne me fit pas l’honneur de me répondre un mot. J’attendis quelques momens, et voyant qu’il ne sortoit rien de ce simulacre, je fis la révérence et me retirai… »

Le Duc de Bourbon premier ministre, ce fut la ruine des créatures du Régent.

Les roués perdirent, du coup, tous leurs appartemens de Versailles, et une guerre sourde, à peine voilée par les convenances, se déclara entre les maisons de Condé et d’Orléans. Au Palais-Royal se tenaient même des assemblées secrètes pour cabaler contre Monsieur le Duc.

C’est à ce moment que se précisa le plus nettement le côté remarquable du caractère de ce Prince bizarre. Faisant personnellement bon marché des grandeurs et des privilèges de son rang, il ne se reconnaissait pas, envers ses successeurs, le droit de les laisser entamer. C’est en cela que Louis d’Orléans se montra réellement de sang royal. Le Duc de Bourbon pouvait avoir le premier pas dans les affaires, rien ne devait être changé dans ses hommages au Duc d’Orléans, à l’héritier présomptif de la couronne. Aussi le ministre fut-il obligé à venir, conformément à l’étiquette, lui annoncer sa nouvelle charge.

D’ailleurs, la pique entre Orléans et Condé n’est pas dans ces événemens. Un an auparavant, la mère du Duc de Chartres, voulant le marier, avait songé à l’une des sœurs du Duc de Bourbon, Mlle de Vermandois. Les parens de cette princesse visaient plus haut pour elle : le Roi lui-même. Mais ils avaient une seconde fille, Mlle de Sens, qu’ils offrirent. Elle ne fut point agréée.

La Duchesse d’Orléans, de concert avec son chancelier d’Argenson, interrogea alors minutieusement l’Almanach Royal pour y découvrir une princesse étrangère en âge de convenir à son fils. La princesse Auguste-Marie-Jeanne de Bade fixa leur choix. Il n’était pas du goût du Duc de Bourbon qui le fit bien voir en multipliant si savamment les entraves à une demande, que l’intervention du Roi eut seule raison de sa résistance.