Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/106

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et sur le rapport de sa section de législation, de la justice et des affaires étrangères. Plus exactement même, c’est devant le chef de l’État statuant le Conseil d’État entendu. Car c’est au Président de la République qu’il appartient de prendre la décision par décret, le Conseil d’État ne donnant cette fois qu’un avis, et ne rendant point un arrêt. Pourquoi a-t-on admis cette façon de procéder ? La raison en est, que des considérations diplomatiques peuvent ici intervenir. Par exemple, une capture peut avoir été validée par le Conseil des prises, parce qu’elle a été faite conformément au droit en vigueur, et pourtant il peut être opportun au point de vue des intérêts nationaux de la rendre, afin de ménager une Puissance neutre ou de reconnaître ses bons offices[1]. Dans une semblable hypothèse, si le recours était porté devant le Conseil d’État statuant au contentieux, il ne pourrait qu’être rejeté, car celui-ci ne doit s’inspirer que de la légalité et non de l’opportunité ; tandis que ce même recours, porté devant le Président de la République, a des chances d’être accueilli, sur l’avis même du Conseil d’État en assemblée générale administrative, car cette dernière assemblée, à l’inverse de la précédente (et bien qu’elle soit en partie composée des mêmes membres), se préoccupe de l’opportunité autant que de la légalité. L’appel, dans ces conditions, ressemble à quelques égards à un recours en grâce. La décision, par laquelle le chef de l’État ordonne la restitution d’un navire « condamné » par le Conseil des prises, rappelle dans une certaine mesure celle par laquelle il commue la peine d’un particulier condamné par les tribunaux de répression. L’analogie pourtant n’est que partielle. Le recours en matière de prises maritimes reste, dans ses traits essentiels, un appel véritable. Les parties peuvent, là encore, faire présenter des mémoires par des avocats au Conseil d’État. La décision du Président de la République, si elle prononce la relaxe, annule la décision du Conseil des

  1. C’est ce qui est arrivé dans une affaire assez notoire, terminée en 1872. Le navire La Palme appartenait à une mission évangélique établie en Suisse. Le pavillon fédéral ne pouvant être arboré en mer, ce navire faisait route sous un pavillon allemand. Il fut capturé par un vaisseau français, et le Conseil des prises valida cette saisie. En appel, celle-ci fut invalidée par un décret rendu sur avis conforme du Conseil d’État. L’avis portait que la décision du Conseil des prises était justifiée en droit, mais qu’il y avait lieu pourtant de restituer la prise, pour reconnaître les services rendus par la Suisse à notre pays pendant la guerre de 1870-71.