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Leur état-major porte visiblement le plus vif intérêt à ces opérations dans la forêt. Il a paru récemment, dans la Gazette de Francfort, un long article publié plus tard en brochure : der Krieg in Argonwald.

Tous les succès allemands y étaient relatés, avec quel grossissement et quelle exagération je n’ai pas besoin de le dire ! Le vieux feld-maréchal comte Hæseler vit dans un petit village non loin d’ici, d’où il suit, avec une extrême attention, et sans doute aussi conseille les opérations. Le Kronprinz, qui commande l’armée qui nous fait face, a son quartier général à Stenay. Ne faut-il pas, pour des raisons dynastiques, lui procurer quelque succès à tout prix ?

Il y a, me semble-t-il, des raisons locales et générales qui expliquent ces grands efforts. Après leur poussée dans la Woëvre (fin septembre) qui les rendit maîtres de Saint-Mihiel, les Allemands purent se flatter, un instant, de l’espoir d’investir Verdun. Ils tentèrent donc, à l’Ouest de cette place, le même coup qu’ils venaient de réussir à l’Est. Une série d’attaques dans la forêt d’Argonne ou sur ses lisières leur permettraient, croyaient-ils, de prendre pied sur la voie ferrée qui relie Sainte-Menehould à Verdun. À ce moment-là, l’investissement de cette citadelle serait chose très avancée.

Ils s’obstinèrent d’autant plus dans ces projets que les premiers combats dans l’Argon ne paraissaient tourner à leur avantage. Leur supériorité d’outillage et d’organisation leur procurèrent tout d’abord des succès. Ils avaient des pionniers en très grande abondance. La place de Metz, toute voisine, leur fournissait tout le matériel nécessaire.

Mais, en dépit de ces efforts, leur avance, depuis quatre mois, a été insignifiante. Sainte-Menehould sera pour eux un objectif aussi impossible à atteindre que Calais ou Paris.


1er février. — Cet après-midi les Allemands font exploser de gros fourneaux de mines sur le saillant de Bagatelle, à la limite de nos deux secteurs. Tandis que les deux ailes de notre ouvrage s’effondrent dans les entonnoirs, une troupe ennemie fait irruption dans le centre. Il n’y avait là aucune défense accessoire. Les réseaux de fils de fer étaient impossibles à tendre, cet endroit-là étant sans cesse battu par les feux.

La contre-attaque aurait dû se faire immédiatement. Un