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pour des motifs inhérens au commerce des bois, mais parce que nous devenions victimes de la situation générale que je vous ai déjà exposée. le déplacement des courans de fret nous avait mis dans un état d’infériorité insurmontable ; qu’on en juge :

« Les Allemands pouvaient expédier leurs bois de Hambourg à Grand-Bassani à raison de 18 fr. 75 le mètre cube par la Woermann Linie. Il nous fallait, pour les mêmes articles et malgré que le trajet de Bordeaux à Grand-Bassam soit plus court, payer à la Compagnie des Chargeurs-Réunis un fret de 33 francs. Nous étions donc handicapés de 14 fr. 25 par mètre cube, ce qui représentait environ 20 pour 100 de la valeur de la marchandise.

« D’où provenait cet obstacle ? Uniquement de la perte d’un courant suivi dans nos exportations et du déclin de notre commerce extérieur[1]. »

Voit-on la progression géométrique du développement des affaires pour Hambourg et du déclin pour la France ? La zone franche eût porté remède à la chinoiserie qui empêche de scier des bois à l’entrepôt fictif, c’est-à-dire de permettre à la marchandise étrangère de payer, à son passage en France, un tribut intéressant à la main-d’œuvre nationale.

Autre exemple : il y a six ou sept ans, une très forte hausse des oléagineux fit offrir en Europe des produits jusqu’alors inconnus. De ce nombre fut la graine de Soja Hispida, sorte de haricot mandchou, que Chinois et Japonais consomment après une première trituration et sous forme de fromage, à des prix fabuleux de bon marché. On s’avisa que ce produit contenait 10 pour 100 d’huile et quelques sacs en furent envoyés pour essai à Marseille, grand marché des oléagineux. A l’arrivée, la douane classa le Soja ou la Soja (le genre est indéterminé) parmi les légumes et exigea un droit de 3 francs par 100 kilogrammes qui, pesant exclusivement sur le 10 pour 100 d’huile contenu par cette marchandise, la grevait de façon à en empêcher l’emploi. On remontra à la douane son erreur : en y mettant le temps voulu et après avoir suivi toute la filière

  1. E. Caraentron, Comité d’études du Port franc, 2, rue Guillaume-Brochon, Bordeaux. Rapport sur les zones franches. 26 février 1915. Cet excellent rapport, que nous aurons d’ailleurs encore l’occasion de citer, fourmille d’exemples aussi probants, et nous engageons vivement nos lecteurs à s’y reporter.