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discours de M. d’Annunzio aux Romains n’avait qu’un thème : le patriotisme. C’est par la force des événemens que les discours suivans allaient prendre des touches plus violentes, des accens de guerre civile…


Quelles manœuvres, quelles menaces, quelles influences auront été mises en jeu au dernier moment pour tenter d’empêcher l’intervention de l’Italie ? C’est une histoire encore mystérieuse dans les détails, mais dont les grandes lignes sont fort claires. M. Giolitti se sera-t-il rendu compte que sa présence à Rome avait, à tout le moins, entretenu une équivoque, donné un point d’appui et un argument aux neutralistes, les avait mis à même d’exercer une pression sur le gouvernement et les milieux parlementaires ? Le parlement devait se réunir le 20 mai pour décider de la paix ou de la guerre. En faisant courir avec insistance le bruit que la majorité de la Chambre, toujours « giolittienne, » n’accepterait pas la guerre, en mettant en avant le nom et l’autorité de M. Giolitti, on troublait le monde politique, on affaiblissait le ministère, on détruisait d’avance l’effet des décisions que le président du Conseil devait faire connaître. Il ne semblait pas du tout certain qu’il y eût à la Chambre une majorité pour la rupture avec l’Autriche et l’intervention armée. Un peu d’intimidation exercée sur le Cabinet, un peu de chantage sur la Chambre : et le « neutralisme » pouvait se flatter d’enterrer par un vote les résultats obtenus en six mois de diplomatie par M. Salandra et M. Sonnino.

Cependant, à la grande déception des « conjurés, » leur plan devait être percé à jour, les événemens prendre une tournure bien différente de celle qu’ils avaient espérée. Comme il arrive à tous les hommes politiques qui voient échouer des calculs de cette espèce, les partisans de la neutralité avaient compté sans le grand air du dehors. Ils avaient élaboré une combinaison de couloir, conforme à la nature des choses parlementaires. Ils avaient attendu, de la part de M. Salandra, une acceptation pure et simple de la rencontre qu’ils lui avaient fixée. Ils n’avaient oublié qu’un point : c’est que, jusqu’au 20 mai, M. Salandra avait le temps d’agir, de se créer une