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même des choses, mais par l’organisation, la lutte bien conduite sous la direction de chefs prudens et habiles. Ce n’est qu’à partir de 1890 que les syndicats, en Allemagne, ont commencé à accroître leur part de profits dans la production nationale, part qui s’élevait en 1914 à 75 millions de marks de capital et 75 millions de recettes pour la dernière année. Si le patriotisme n’y suffisait pas, l’intérêt le plus positif les conduit naturellement au nationalisme. Bien loin de songer à une grève au moment de la déclaration de guerre, comme les ouvriers anglais, les travailleurs syndiqués d’Allemagne ont envoyé, à la veille du 4 août, aux députés socialistes lettres sur lettres, par lesquelles ils leur enjoignaient de ne pas voter contre les crédits de guerre, tant ils redoutaient de voir anéantir toute l’œuvre méticuleuse de leur bureaucratie, leurs édifices fermés et leurs fonctionnaires sur le pavé.

Les dirigeans, Legien, Otto Hue, Paul Umbrest, les journaux des syndicats, et, au premier rang, leur organe officiel le Correspondenzbiltt ont toujours combattu très vivement les internationalistes purs, Liebknecht, Kuehle, Rosa Luxembourg, Mehring, « comospolites sans racines, aventuriers politiques, élégans littérateurs et savans livresques, qui croient que les masses n’attendent que leur signal pour se mettre en branle, » alors qu’ils n’ont aucune qualité pour parler au nom des unions syndicales et qu’ils devraient être exclus du parti socialiste. Les journaux syndicaux ont blâmé le Manifeste des trois, en opposition avec le caractère de l’action ouvrière. Celle-ci témoigne en majorité d’un caractère réactionnaire et belliqueux dans le sens impérialiste. La classe des travailleurs, disent ses porte-paroles, sent la nécessité de changer d’attitude envers le militarisme, elle a un intérêt vital à briser pour toujours les entraves que le capital anglais apporte à l’industrie nationale et au commerce allemand. Une défaite porterait un coup fatal au développement des unions. — La prise d’Anvers fut célébrée comme une victoire syndicale, comme un gage de la future annexion de la Belgique. Et l’esprit des soldats est souvent pire que celui des chefs. En dépit de l’éducation que les socialistes se vantent de donner à la classe ouvrière, à Gand, à Bruxelles, les Belges furent obligés de fermer le restaurant coopératif et les salles de réunions aux camarades syndiqués sous l’uniforme allemand qui, pleins d’arrogance, discutaient avec