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la séance. Les socialistes ne pouvaient rien changer à leur déclaration : mais pas un ne protestait.

Combien vaine, hypocrite et vide était la prétention des socialdémocrates de justifier leur vote par l’ignorance des conditions dans lesquelles s’engageait la guerre. Ils mentaient à tout leur passé. Julian Borchardt, auteur d’une brochure : Avant et après le 4 août, écrit qu’à cette date les socialistes ont abdiqué, que, s’ils ont eu raison ce jour-là, tout ce qu’ils enseignaient depuis quarante ans n’était que fausseté et duperie. Haase lui-même fera plus tard le mea culpa de son parti : « Nous n’avions ni l’intention, ni la possibilité de tenter la grève des masses. Mais accepter les crédits équivalait à une déclaration de faillite. »

A quels mobiles attribuer cette conversion foudroyante ? De purs socialistes allemands qu’ils étaient encore le 31 juillet, d’après M. La Chesnais, les socialdémocrates se sont révélés, au 4 août, les simples hommes de l’instinct national. Ils obéissaient sans doute à divers mobiles, à la crainte des électeurs, à la peur des représailles. Les grands syndicats exercèrent sur eux une pression formidable. Ils redoutaient de voir leurs journaux supprimés, leurs imprimeries confisquées, leurs maisons du peuple fermées, leurs organisations dissoutes, leurs dirigeans sous les verrous.

Cet acquiescement solennel à l’impérialisme causait à l’étranger une immense déception. Bebel et Liebknecht s’étaient déclarés jadis contre la guerre lorsque la France attaquait l’Allemagne, et cette fois c’est l’Allemagne qui attaque, qui foule aux pieds les traités, et les socialdémocrates approuvent et suivent. Ils tranchent le lien de cette Internationale qu’ils dirigent et régentent depuis un quart de siècle, ils transgressent les lois qu’ils ont décrétées.

Même défection de la part des socialistes autrichiens. Le Reichsrath n’étant pas convoqué, ils n’eurent pas à se prononcer sur les crédits, mais nul doute qu’ils n’eussent imité les Allemands. Ainsi que le Vorwaerts, leur journal l’Arbeiterzeitung recommandait d’abord une justice élémentaire à l’égard de la Serbie, critiquait l’ultimatum. Mais dès que la question serbe tourne à la guerre européenne, il attaque la Russie et se rallie à l’impérialisme avec enthousiasme.

Combien nette au contraire fut la conduite des socialistes français à la Chambre, au moment de la déclaration de guerre.