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il y a dix ans, ou de Hambourg et de Leipzig aujourd’hui, eut le droit de n’avoir que haussemens d’épaules pour nos ridicules petites gares de Paris, pour leurs « méprisables petites » stations de Londres. Hambourg se piquait déjà en 1906 d’avoir égalé New-York et Chicago en cette halle des voies, où les trains venaient s’aligner sur 130 mètres de large, en cette salle des pas-perdus, longue de 150 mètres, large de 25, haute de 30, plus vaste que notre Galerie des machines et dont le coût avait dépassé 80 millions de marks. Mais Leipzig voulut faire mieux encore : sa gare centrale, avec ses vingt-six voies bordées par quatorze quais de 12 mètres, eut 250 mètres de long sur 250 de large pour les seuls voyageurs ; la poste et ses colis avaient une autre gare et les dépendances couvraient un hectare et demi : coût, 120 millions de marks.

Mêmes efforts et mêmes résultats pour la circulation postale et télégraphique. Il n’est pas de Français, ayant vécu, ne fût-ce qu’un jour, dans la moindre des villes allemandes, qui n’ait envié les hôtels, les livrées, les équipages, le grand air de ce service vraiment impérial. L’Allemagne, depuis quarante ans, avait fait en très grand pour ses postes ce que la France faisait en petit pour ses écoles primaires. Il n’était bourg de l’Empire qui n’eût son « palais postal, » et que dire des grandes villes ? Même les casernes les plus orgueilleuses le cédaient à ces hôtels dont ceux d’Angleterre, qui l’emportaient encore par le luxe massif et confortable, n’égalaient pas le parfait et automatique aménagement : Hambourg a son Louvre des postes, aussi vaste que notre Louvre de Paris, mais combien mieux adapté à sa destination !

La nation allemande avait toujours été la plus écrivassière du monde : elle devint la plus « postière, » avec ses cinquante mille bureaux, ses sept milliards annuels de lettres et de cartes, ses trois cents millions de paquets. Prenant la peine d’écrire à ses correspondans de l’univers et la poste lui donnant chez elle les communications les plus rapides, elle usait moins du télégraphe à l’intérieur que l’Angleterre ou la France ; mais elle se rattrapait au dehors en télégrammes internationaux ; et si, dans le monde, elle était loin de posséder le même nombre et la même longueur de câbles sous-marins que l’Angleterre ou la France, elle comptait bien que la première guerre victorieuse rétablirait l’équilibre entre elle et les Anglais, en lui permettant d’annexer