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quelle idée n’est pas séduisante ? Il faut, pour qu’une idée soit laide, qu’elle se réalise. Les théories sociales le tentaient et, en quelque façon, n’a-t-il pas été socialiste ? Il aimait le peuple ; et il aimait l’autorité, non pour le plaisir de l’exercer, pour le bien qu’elle permet d’accomplir. Il aimait la justice, et il aimait la France : il lui a rêvé une mission d’apostolat bienfaisant parmi les nations. Il aimait la République ; et il était empereur : sa dernière espérance fut de fonder, avec Emile Ollivier, la République sous la tutelle de l’Empire. Il était le neveu de Napoléon et l’enfant d’un siècle déraisonnable. Quant à passer des intentions à la pratique, il le savait ; il ne manquait pas d’initiative, de courage ou d’adresse. Les difficultés ne le rebutaient pas ; il avait l’art de réussir, mais non pas l’art de se contenter. Cet avilissement d’une idée qui se réalise lui tournait en déceptions toutes ses entreprises. Il avait une tristesse résignée, d’un grand charme ; et il avait ces façons d’amitié, si captivantes, des êtres les meilleurs et les plus tristes. Emile Ollivier eut pour lui de la tendresse : de l’amitié, ce n’est point assez dire. Ensuite, Napoléon III se trouva dans des calamités où il mérita plus de pitié que d’objections. Les pages où Emile Ollivier le conduit, à petites étapes, de Metz condamnée à Sedan, sont un évangile de la douleur et de l’abnégation, le martyre de la crédulité agonisante.

Le personnage principal de l’Empire, ce n’est pas l’Empereur ; ni le prince Napoléon, si bien pourvu de qualités brillantes, et qui était né pour le premier rang, mais qui, au second, se gaspilla ; ni Rouher, qui eut tant d’influence,, et le plus beau talent, souvent pernicieux. Le personnage principal de l’Empire, dans les dernières années, c’est le Parlement. Quelle place il tient ! immense et telle qu’en lisant l’Empire libéral, nous arrivons à croire que c’est lui, anonyme et paré des noms les plus illustres, qui règne : s’il ne règne pas, il empêche qu’on règne. Emile Ollivier ne le dénigre pas. Voire, il lui accorde une espèce de prédilection que les mauvais souvenirs n’ont pas atteinte. Le Parlement a renversé le ministère libéral : avant cela, le Parlement avait accueilli les débuts de ce jeune orateur, lui avait prodigué les plus « enivrantes » minutes de sa vie éloquente ; plus tard, il lui avait été sévère, mais seulement quand l’orateur en fut à préférer la lutte violente au simple succès. Sous l’Empire autoritaire, Emile