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soumission du Sennar et du Kordofan. L’occupation égyptienne ne tarda pas à gagner graduellement du terrain vers l’Orient entre le Nil Bleu et la Mer-Rouge. En 1874, le Darfour fut engloba dans les possessions khédiviales.

Les Egyptiens introduisirent au Soudan une administration régulière et efficace. Les territoires conquis furent placés sous l’autorité administrative et militaire d’un gouverneur général et divisés en cinq provinces, pourvues chacune d’un moudir (préfet). Dans ce cadre, les chefs indigènes restèrent en fonctions et servirent d’instrument aux fonctionnaires venu » du Caire, Grâce à cette organisation, le pays jouit d’une sécurité dont il avait depuis longtemps perdu le souvenir, et ses habitans connurent une civilisation occidentale rudimentaire.

« Les étrangers comme les indigènes purent circuler en toute sécurité… dans la vallée du Nil jusqu’aux frontières les plus reculées du Soudan, grâce à la justice rigoureuse de Mehemet Ali qui n’admettait aucun tempérament[1]. » Des voies de communication furent ouvertes, des industries et des cultures nouvelles organisées par le gouvernement. Les indigènes eurent en revanche à subir une réglementation et des charges fiscales qui leur parurent plus insupportables que le désordre, l’anarchie, les avanies intermittentes, auxquels la tyrannie moins minutieuse, moins tracassière et moins continue de leurs chefs nationaux les avait depuis longtemps accoutumés.

À cette époque, Mehemet Ali s’était attribué le monopole de l’industrie, du commerce et même de l’agriculture sur tout le territoire de l’Egypte. Il imposa le même régime à ses nouveaux sujets, qui, pour satisfaire aux exigences du grand pacha, se virent accablés d’impôts et de corvées. Impôts personnels de 20 à 30 piastres, impôts fonciers, impôts sur les dattiers, le bétail, les barques, les marchés, les transactions, etc., monopole de la Comme, du café, de l’ivoire, et de nombreuses autres denrées. A toutes ces charges s’ajoutait le poids des exactions des administrateurs et des chefs militaires égyptiens qui, pour la plupart, étaient venus au Soudan avec le dessein arrêté de s’y enrichir rapidement.

« A l’expiration des soixante années de l’occupation égyptienne, le Soudan se trouvait ruiné par une mauvaise

  1. Comte Benedetti, Mehemet Ali durant ses dernières années, Revue des Deux Mondes, 1er juin 1895, p. 517 ; — H. Dehérain : Le Soudan Egyptien sous Mehemet-Ali.