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renseignemens que j’ai, vous pourrez me mettre sur la trace des individus.

« Dans l’attente de vous serrer la main, recevez, mon cher collègue, mes bien cordiales salutations. — GAUTCH. »

Grâce à ces documens, il semblait prouvé qu’en réponse à la première lettre, Schnæbelé avait désigné à Gautch la ville de Pont-à-Mousson comme lieu de rendez-vous ; mais que celui-ci avait allégué un prétexte pour ne pas s’y rendre et pour l’attirer aux abords de la frontière, où il serait plus facile de l’arrêter. Schnæbelé s’était rendu sans défiance à cet appel.

La découverte de ces témoignages simplifiait la question engagée entre Paris et Berlin. M. Flourens se hâtait donc de les envoyer à M. Jules Herbette. Celui-ci, armé des deux lettres qu’à Paris on avait eu soin de faire photographier avant de lui en transmettre les originaux, se présentait le 25 avril chez le comte Herbert de Bismarck et lui en donnait lecture. Il faut croire que le ministre ne les connaissait pas, car sa surprise fut égale au dépit qu’il ne put dissimuler en les voyant dans les mains de son contradicteur.

— C’est un piège regrettable, avoua-t-il. Mais aussitôt, comme s’il regrettait cet aveu et cherchait à excuser et même à justifier le procédé de ses policiers, il reprit en élevant la voix : — Mais c’est de mise entre gens de police, et Schnæbelé aurait dû se méfier. D’ailleurs, lui-même n’a-t-il pas été incité à commettre des actes plus répréhensibles ? N’a-t-il pas cherché à suborner à prix d’argent des Alsaciens-Lorrains, sujets allemands ?

L’ambassadeur le voyait venir et se redressa. Changeant de ton, lui aussi, il s’écria :

— Ne mêlez pas à vos griefs mon gouvernement ! Le comte Herbert ne se contenait plus.

— Pour qui donc travaillait Schnæbelé ? fit-il. Est-ce que Boulanger s’est fait scrupule, il y a quelques mois, de tirer parti d’une note officieuse de notre attaché militaire qu’il n’avait eue qu’une minute dans ses mains ?

Le visage du ministre, son accent, son geste, tout révélait qu’il se laissait emporter. Sans perdre son sang-froid, l’ambassadeur le ramena au calme en disant :

— Nous sommes en dehors de la question, mon cher ministre ; revenons-y. Cette arrestation est entachée de ruse et