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ne l’avait pas fait. Il résulte au contraire, non seulement d’une affirmation de M. Salandra, mais d’une pièce officielle dont il a donné lecture, que, dès le 25 juillet, dans une conversation avec l’ambassadeur allemand, M. de Flotow, le marquis de San Giuliano et lui-même avaient dénoncé l’incorrection de l’Autriche, qui avait adressé son ultimatum à la Serbie sans entente préalable avec son alliée ; et aussitôt après, dès les 27 et 28 juillet, l’Italie a posé le principe des compensations qui lui étaient dues et dont elle indiquait déjà le caractère. — Mais, dit-on à Vienne et à Berlin, des compensations ne pouvaient être réclamées par l’Italie que si l’équilibre balkanique était ou devrait être rompu au profit de l’Autriche : il ne devait pas l’être, des assurances positives avaient été données à ce sujet. — Il n’est pas vrai, comme l’a affirmé le comte Tisza, dit à son tour M. Salandra que l’Autriche se soit engagée à ne pas réaliser d’acquisitions territoriales au détriment de la Serbie. M. de Mérey, ambassadeur d’Autriche à Rome, déclarait le 30 juillet au marquis de San Giuliano que « l’Autriche ne pourrait pas faire de déclaration l’engageant sur ce point, parce qu’elle ne pouvait pas prévoir si, pendant la guerre, elle ne serait pas obligée, contre sa volonté, de conserver des territoires serbes. » — Contre sa volonté, est admirable et se passe de commentaires. Combien faible était cette volonté de ne pas conserver de territoire, puisqu’on ne pouvait pas promettre qu’elle prévaudrait sur la tentation contraire ! Et ce n’était pas seulement M. de Mérey qui tenait ce langage évasif : presque en même temps, le comte Berchtold déclarait à Vienne au duc d’Averna, ambassadeur d’Italie, « qu’il n’était disposé à prendre aucun engagement relativement à la conduite éventuelle de l’Autriche en cas de conflit avec la Serbie. » Que devient après cela l’ « infâme mensonge » que M. Tisza attribue à M. Salandra ? En vérité celui-ci a le droit de demander, comme il le fait d’ailleurs : « Où est donc la trahison, où est l’iniquité, où est la surprise si, après neuf mois de vains efforts pour parvenir à une entente honorable, nous avons repris notre liberté d’action ? » L’Italie pouvait d’autant plus légitimement la reprendre, que, dans « ne autre circonstance, — au cours de la guerre italo-turque à laquelle l’Autriche ne cessait pas d’apporter des obstacles, — le comte Berchtold avait menacé de reprendre la sienne. Au surplus, nous ne nous proposons nullement ici de défendre l’Italie, qui n’a pas besoin d’être défendue, mais de montrer encore une fois la duplicité de la diplomatie austro-allemande, et assurément la preuve en est faite.

La guerre a été déclarée par l’Italie à l’Autriche, elle a commencé,