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déjà, des défenseurs. Des mesures ont été prises aussitôt pour atténuer dans une large mesure le péril que la hardiesse de l’état-major naval de Berlin ainsi que l’énergie.et l’endurance de ses marins faisaient courir à la flotte combinée et, par répercussion immédiate, à l’armée expéditionnaire. En fait, au moment où j’écris, il semble que les sous-marins allemands se voient arrêtés dans le cours de leurs succès, alors qu’au contraire le sous-marin anglo-australien qui a réussi à pénétrer dans la mer de Marmara et jusqu’à l’entrée de la Corne d’Or, — le port de Constantinople, — continue à y causer des dégâts et paralyse le ravitaillement en munitions des forts des Dardanelles et de l’armée turque, dans l’instant où celle-ci subit les plus violens assauts des troupes franco-anglaises. On peut penser quels résultats eussent été atteints si, au lieu d’une seule unité légère de la catégorie du E11, on eût pu faire passer dans la Propontide une flottille de sous-marins et de grands torpilleurs. J’en avais indiqué le moyen, ou l’un des moyens, — car il y en a plusieurs, — et j’ai eu, depuis, de la part d’ingénieurs compétens l’assurance que l’opération que je proposais était réalisable. On a pensé sans doute que l’exécution en serait trop longue. Cette hâte d’aboutir, mais par des moyens qui ne sont pas réellement appropriés au but poursuivi, restera l’une des caractéristiques de la conduite générale des affaires dans ce grand conflit. On n’imagine pas le nombre de bons engins dont on s’est privé ou de bonnes méthodes que l’on n’a pas adoptées à cause d’une conception qui se révèle de plus en plus fausse sur la durée de la guerre. Avec les moyens industriels dont disposaient les Puissances occidentales, que d’appareils aériens de tout genre, que de sous-marins et « destroyers, » que de canons de gros calibre mus par tracteurs automobiles, que d’armes nouvelles, que d’engins originaux, que de substances explosives et asphyxiantes auraient pu être, depuis dix mois, essayés, fabriqués, construits ou adaptés, enfin mis en œuvre au grand bénéfice de notre action militaire et de notre prestige, si, bien souvent, « les compétences » n’avaient objecté « que ce serait trop long…, que la guerre serait finie avant qu’on eût réalisé les projets des inventeurs ! »

Revenons à ces Dardanelles, pour y admirer le consolant spectacle de l’indomptable énergie déployée par les soldats et