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certain, c’est que, l’effectif de ses unités fût-il doublé, cette escadre se trouverait encore très inférieure à la force navale que les Allemands peuvent faire passer et entretenir dans la Baltique, du moment que la flotte anglaise ne bouge pas. Il ne faudrait rien moins en effet que des opérations actives dans la mer du Nord et de sérieuses menaces contre le camp retranché maritime dont Helgoland est l’avancée, Cüxhaven le réduit et le canal de Kiel la dernière ligne de retraite, pour empêcher l’état-major naval de Berlin de renforcer en temps utile, par l’une des trois escadres de sa flotte de haute mer, les cinq Wittelsbach et les cuirassés refondus du type Kaiser Friedrich III, qui, à eux seuls, — avec, bien entendu, la proportion convenable de bâtimens légers, — balanceraient la force navale russe.

Cette combinaison d’efforts, évidemment si désirable, il ne semble pas qu’elle se soit déjà produite. La flotte allemande a pu s’emparer de Libau, qui va devenir un nouveau Zeebrügge, sans que ni l’escadre russe ait pu sortir de Reval ou, en tout cas, livrer bataille, ni que les « Home fleets » aient quitté pour une simple démonstration la belle base navale du Firth of Forth, où s’accumule depuis tant de mois le potentiel de leurs énergies. Notons, cependant, qu’un groupe de sous-marins russes, avec lequel opérait un sous-marin anglais, a pu donner quelques inquiétudes à la force navale allemande réunie devant l’ancien port de guerre de la Courlande. Le sous-marin anglais aurait même coulé un transport chargé de troupes et d’artillerie lourde, succès des plus honorables, qui provoque le regret que la marine britannique n’ait pas été en mesure de faire franchir le Sund à un plus grand nombre d’unités légères.

Quoi qu’il en soit, il est impossible, en présence des faits et des résultats, de se soustraire à l’impression que l’escadre russe de la Baltique est abandonnée à ses seules forces en face d’un adversaire plus puissant, très actif en tout cas et qui joue habilement, — mais en toute tranquillité, ce qui diminue son mérite, — du bénéfice de sa ligne de communications intérieure, le canal Kaiser-Wilhelm.

Cet isolement, dont les conséquences peuvent devenir graves, apparaît particulièrement regrettable au moment où certains incidens, en même temps que la tournure générale des événemens politiques et militaires, font apprécier par beaucoup d’esprits prévoyans le capital intérêt qu’il y aurait pour les