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Pour les artilleurs, le problème est plus complexe ; il faut qu’ils dissimulent non seulement eux-mêmes, mais aussi leurs canons, leurs caissons, leurs chevaux. Pour les canons, il semble, a priori, qu’on pourrait se borner à les défiler, c’est-à-dire à les placer au revers d’une pente ou à l’abri d’un rideau d’arbres, ou d’un pli de terrain qui les masque à la vue de l’ennemi. Lorsqu’un canon tire, la flamme qui fleurit de ses pétales rouges la gueule de la pièce a parfois plusieurs mètres de long (on le remarque surtout la nuit) ; il faut donc défiler non seulement le canon, mais ses « lueurs, » comme on dit dans le patois propre aux artilleurs, c’est-à-dire placer la pièce suffisamment bas derrière le masque, pour que celui-ci cache également la flamme.

Tout cela empêche les pièces d’être vues directement des lignes ennemies ; cela ne les met pas à l’abri des divers procédés qu’emploie l’adversaire pour venir inspecter d’en haut notre terrain, et qui sont l’aéroplane, le ballon captif, le draken-ballon. Or, qu’arrivera-t-il si la position de notre batterie est connue de l’ennemi, et s’il peut en situer exactement la position sur la carte ? Immédiatement ses canons ouvriront le feu sur elle, pour le plus grand dam de son personnel. Si elle n’est pas mise dès l’abord hors d’état de nuire, elle devra précipitamment changer sa position, ce qui est toujours délicat et fait perdre non seulement du temps, mais le bénéfice de ses réglages de tir antérieurs et des abris qu’elle s’était construits.


Il importe donc essentiellement que notre batterie soit invisible aux aviateurs ennemis. Pour cela, on emploie toutes sortes de trucs : tout d’abord, lorsque c’est possible, on la place en plein bois en ayant soin de ne pas couper les arbres et les buissons dans son voisinage immédiat ; ou bien, comme c’est le cas général, si la batterie doit être placée dans un terrain dénudé, on recouvre les canons et les caissons de branches d’arbres et de feuillages, qui, vus à quelques centaines de mètres de haut, les font ressembler à d’inoffensifs buissons.


Si, malgré tout cela, les artilleurs circulaient et stationnaient autour des canons, si invisibles que soient ceux-ci, il est clair