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place Vendôme en criant : « Vive Napoléon III » tout le monde m’aurait suivi. Louis-Philippe le savait, et c’est pourquoi il m’a fait partir. N’étant sur le trône que par hasard, il sent qu’une chiquenaude pourrait le renverser.

— Par hasard ? .. mais rien n’arrive par hasard, mon prince. Si la révolution de Juillet s’est faite d’elle-même au profit du Duc d’Orléans, c’est qu’elle ne pouvait pas se faire autrement.

— Le Duc d’Orléans était à Paris et le Duc de Reichstadt à Vienne. On avait l’un sous la main, et il fallait demander l’autre à Metternich… Vous voyez, mademoiselle, que vous auriez tort de tenir pour Louis-Philippe et de me refuser de l’argent pour le combattre ; allons, soyez bonne, donnez-moi encore vingt-cinq louis.

— Impossible, mon prince. Ou bien je ne paierai pas la voiture que la Reine et vous avez achetée…

— Adieu, alors. Vous êtes une méchante.

Je ne l’ai plus revu jusqu’au soir, et, comme il dînait chez lady Dudley, c’est en tête à tête avec la Reine que je pensais achever la journée.

L’attitude que la Reine adopte est celle d’une réserve absolue ; elle ne veut ni déclarer la guerre à Louis-Philippe, ni provoquer des troubles en France ; d’un autre côté, elle entend rester à portée de profiter des circonstances et garder l’avantage d’arriver la première à Paris, si Napoléon II était proclamé après une république éphémère ou après l’essai de chouannerie qu’entreprend la Duchesse de Berry.


Mardi 14 juin 1831.

Aujourd’hui, dernier jour de la duchesse de Frioul à Londres, il a fallu se lever de bonne heure pour courir chez elle, et cependant s’habiller de pied en cap dès le saut du lit, en prévision de la vente faite par les femmes de la société au profit des Irlandais. M. Fox avait beaucoup insisté pour que la Reine y parût ; elle se disposait à y dépenser quelques louis, les regrettait d’avance et craignait surtout de se rencontrer avec les ambassadeurs. Fort heureusement, en cherchant l’endroit de cette vente, nous nous sommes trompées d’adresse. La Reine, se voyant dans la Cité, en a profité pour explorer les boutiques des tapissiers, des joailliers et des orfèvres. Un