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Mexicains eux-mêmes régler entre eux leurs affaires domestiques ; on espérait alors qu’une entente n’était pas impossible entre les partisans de Hucrta et les constitutionnalistes de Carranza. Cet espoir, nous l’avons dit, fut trompé, la réunion projetée à Washington entre les représentans des divers partis mexicains n’a jamais été complète. Mais les Etats-Unis ont pu, sans paraître céder à des considérations militaires, retirer leurs marins de la Vera Cruz (automne de 1914) ; leurs troupes veillent sur la frontière mexicaine du Nord ; de là, en cas d’urgence, elles pourraient occuper les districts pétrolifères qui confinent au Texas et les mines de la Sonora, près du golfe de Californie ; si l’impéritie des Mexicains à rétablir la paix chez eux s’affirme incurable, les Puissances médiatrices de Niagara-Falls verront sans hostilité ces annexions.

Ce n’est certes pas, aujourd’hui, l’Europe qui interviendra. Aussi la question mexicaine s’est-elle aujourd’hui déplacée, ou, pour mieux dire, agrandie ; l’obligatoire abstention des Puissances occidentales accuse l’importance du rapprochement qui vient d’apparaître entre les grandes républiques de l’Amérique méridionale et les Etats-Unis ; les plus avancées des nations sud-américaines prennent conscience de leur rôle international ; par elles, la doctrine de Monroe, qui était une déclaration unilatérale, tend à devenir une équation, c’est-à-dire à rassembler des termes égaux. En un livre récent et généreux, dont les conclusions planent au-dessus des médiocrités humaines, un ancien ministre brésilien, M. Alberto Torrès, étudie Le problème mondial ; s’il voit justement un danger, pour l’avenir des républiques américaines, dans le caractère par trop matérialiste de leur progrès, il se berce d’une illusion lorsqu’il imagine la doctrine de Monroe, purement idéaliste, qualifiée pour diriger la politique panaméricaine au nom de « l’irrésistible fatalité du bien. » Cette doctrine n’était plus, dans les dernières années, qu’une formule de l’impérialisme, autrement dit du recours à la force. Mais sans doute est-il temps pour les Etats-Unis, qui n’avaient encore que la flotte de cette politique, de réfléchir et de s’épargner les soucis d’une armée continentale ; ainsi corrigeront-ils leurs doctrines, ou du moins leurs pratiques.

La médiation de Niagara fut, pour les monroïstes, la précieuse occasion d’un examen de conscience. La presse sud-américaine a été unanime à célébrer comme un double