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de la guerre future avec plus ou moins de compétence en France, en Allemagne, en Angleterre, aux Pays-Bas et dans notre pays. Les préparatifs d’invasion, poursuivis au grand jour par le gouvernement allemand, stimulaient les controverses. Dix lignes de chemins de fer existaient déjà en 1911, à une ou deux voies, partant de la région de l’Eifel pour aboutir à la frontière belge ou au grand-duché de Luxembourg ; quatre autres étaient en construction, quatre encore en projet. La plupart de ces lignes, inutiles au trafic, n’avaient qu’un but stratégique. Des gares complètement outillées, des quais d’embarquement pour les troupes, étaient édifiés avec l’organisation et la méthode dont nos voisins sont coutumiers. Un vaste camp de concentration, possédant un champ de tir pour l’artillerie, avait été établi à Elsenborn, près de Malmédy, à deux pas de notre frontière. Par quelle voie le flot des envahisseurs allait-il se précipiter ?

Des opinions se prononçaient pour le passage par la trouée de la Meuse, le long des deux rives du fleuve. Comme l’armée allemande avait l’avantage d’une mobilisation plus rapide, c’est à elle qu’on attribuait généralement le dessein de prendre l’offensive sur cette partie du territoire belge. Quant à l’invulnérabilité ou simplement à la capacité de résistance de nos ouvrages fortifiés, aucun doute n’était venu encore ébranler la confiance qu’ils nous inspiraient. On ne connaissait pas les progrès réalisés dans la balistique en Allemagne et en Autriche, les terribles résultats obtenus par le travail persévérant des usines Krupp ; on ne soupçonnait pas l’existence des mortiers allemands de 42, ni celle des autrichiens de 305, capables d’écraser en quelques heures un fort de béton et d’acier sous le poids de projectiles de près de 1 000 kilos.

D’autres écrivains ont limité la marche des Allemands à la rive droite de la Meuse, à travers le Luxembourg belge, malgré l’insuffisance des routes et les difficultés que la nature accidentée du terrain opposerait à une offensive rapide. Le Luxembourg, éperon avancé de notre territoire dans la région des Ardennes, paraissait impossible à défendre par un corps belge, qui aurait été trop éloigné de la base d’opérations.

Des prophètes militaires, tels que le général Déjardin en Belgique et le général Maitrot en France, annonçaient avec beaucoup de clairvoyance que l’ennemi opérerait