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la République. Dans le cas, présumable aussi, d’un partage de l’Etat indépendant, par suite de la répugnance qu’aurait pu montrer la Belgique et peut-être aussi la France à s’embarrasser d’une charge aussi lourde, qui sait si l’Allemagne aurait réussi à s’adjuger les plus riches morceaux ? Il était donc habile d’encourager, pour commencer, le zèle colonisateur du peuple belge, en attendant le moment de le refroidir et d’y mettre fin.

Mais Léopold II nous avait légué avec son domaine tout un écheveau de difficultés à débrouiller, en ce qui concernait les limites de la colonie. Dès que les négociations, habilement conduites au début du nouveau règne pour la fixation des frontières du Congo et de l’Afrique orientale allemande, touchèrent à leur fin, notre jeune souverain voulut donner à l’Empereur une preuve de ses sentimens personnels et de son sincère désir d’entretenir avec l’Allemagne de bonnes relations aussi bien en Afrique qu’en Europe. Il lui fit, avec la Reine, une visite officielle à la fin du mois de mai 1910. J’étais de la suite de Leurs Majestés. La réception à Potsdam fut très cordiale et d’un caractère plutôt intime, en dehors des deux parades habituelles du printemps, auxquelles assistèrent nos souverains, et des banquets militaires qui les suivirent. Malheureusement, une indisposition de l’Empereur enleva à cette visite la plus grande partie de son intérêt pour les spectateurs curieux, comme je l’étais, d’observer l’expression du masque impérial.

Au dîner de la Cour, le Kronprinz lut le discours préparé pour son père et souhaita la bienvenue au couple royal belge. Le passage le plus saillant fut l’allusion au bonheur qu’une princesse d’une maison allemande avait apporté au foyer conjugal de notre Roi et le rappel des liens de consanguinité existant entre les deux familles, à côté des souvenirs historiques qui unissaient les deux pays. Le roi Albert dans sa réponse loua surtout l’Empereur pacifique, consacrant son existence au bien-être de ses sujets et au développement économique de l’Allemagne. C’est bien ainsi, sous les traits d’un Salomon ou d’un Titus, qu’il apparaissait alors aux regards confians des Belges et ce compliment (dont il devait être rassasié ! ) n’était pas, pensions-nous, de nature à lui déplaire.

Les souverains allemands n’attendirent pas à l’année suivante pour rendre aux nôtres leur visite du printemps. Ils arrivèrent à Bruxelles à la fin d’octobre, accompagnés de leur fille unique.