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Notre intention est de faire une guerre vigoureuse. Une fois en train, quelques revers même, quelques batailles perdues ne nous engageront pas à rétrograder. Nous aurons aussi des alliés. L’empereur de Russie s’est déjà prononcé d’une manière qui nous autorise à tout espérer de lui… Nous nous flattons que tout s’arrangera avec l’Angleterre… Pour ce qui est de l’Autriche, le parti qu’elle adoptera ne nous est pas positivement connu. En attendant, nous sommes parfaitement sûrs de ses bonnes dispositions pour nous. Vous connaissez Vienne mieux que moi. Si vous avez là-dessus quelques données satisfaisantes que vous puissiez me communiquer, je vous en serai obligé… »

Gentz répondit qu’il ne connaissait pas les intentions de Vienne, car il n’avait à aucune époque été initié aux secrets du gouvernement et d’ailleurs une longue absence l’avait entièrement dérouté à cet égard. C’était une sorte d’échappatoire faite pour éviter tout engagement inopportun. Toutefois, Gentz semblait croire que l’empereur d’Autriche ne repousserait aucun moyen honorable pour effectuer un changement heureux dans l’état actuel de l’Allemagne et de l’Europe, si ce moyen se présentait à lui sans la perspective d’un redoublement de malheur dans le cas d’un moindre revers… Cette réponse, qui ne précisait rien et laissait tout dans une réserve habile, embarrassa fort Haugwitz, qui essaya de convaincre son interlocuteur de sa confiance entière dans les dispositions amicales de la cour de Vienne. La Prusse avait eu l’intention d’y envoyer un militaire de distinction et avait demandé de son côté à l’Empereur un officier de marque comme le général de Stutterheim ; ces deux missions une fois en train, la Prusse s’ouvrirait à la Cour impériale de ses projets présens et futurs, en assurant qu’on n’arrêterait rien sans son assentiment formel.

Gentz dit qu’il avait tout bonnement cru qu’on s’occupait depuis longtemps de ces questions et que les négociations relatives y étaient déjà en cours. Il ne doutait pas de la solidité des plans de la Prusse, mais il fallait que ces plans existassent, car il importait d’abord de savoir vers quoi Ton marchait. Haugwitz lui demanda alors ses idées à cet égard. Gentz, qui avait depuis longtemps médité sur ce sujet, lui exposa brièvement son plan personnel qui était le suivant.

Reléguer les troupes françaises au-delà du Rhin, défendre la Confédération germanique formée sous les auspices d’un