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Les exigences de Napoléon, imposant, après Austerlitz, une soumission absolue à la Prusse qui, le 3 novembre 1805, par son roi Frédéric-Guillaume III, avait juré une éternelle amitié à l’empereur Alexandre sur le tombeau du grand Frédéric à Potsdam, avaient irrité au plus haut degré une nation qui se croyait encore une puissance militaire de premier ordre. Le Roi, qui avait cédé aux conseils de Haugwitz séduit par les offres captieuses de Napoléon, regrettait maintenant d’avoir été amené à signer un traité d’alliance offensive et défensive avec la France. La Cour l’en avait blâmé ; l’armée en avait frémi d’indignation. Aussi, les Prussiens ne pouvaient-ils cacher leur mécontentement, et tout faisait craindre de nouvelles et prochaines hostilités. Napoléon prévoyait l’orage et, après la conduite louche de la Prusse lors de la triple alliance de l’Angleterre, de l’Autriche et de la Russie qui avait abouti au désastre d’Austerlitz, demanda le départ de Hardenberg, le chef du Cabinet prussien, qu’il qualifiait de traître et de parjure. Les esprits s’enflammèrent ; le parti de la reine Louise, très puissant et très hardi, ne cacha pas ses idées de révolte contre tant de soumission. Les patriotes avaient une confiance absolue dans l’armée et poussaient à une entente secrète avec la Russie, qui paraissait se montrer bienveillante. Le congé imposé par Napoléon au marquis de Lucchesini, ambassadeur de Prusse à Paris, l’exécution brutale du libraire Palm, coupable d’avoir vendu un pamphlet de Gentz : le Profond abaissement de l’Allemagne, accrurent encore toutes les colères contre le despote français.

Les officiers prussiens vinrent aiguiser leurs sabres sur le perron de l’ambassadeur de France à Berlin, comme les officiers allemands l’ont fait en juillet dernier sur le rebord des fenêtres à Metz, et, le 1er octobre, Knobelsdorf, qui avait remplacé Lucchesini à Paris, posa à Napoléon un ultimatum qui exigeait la retraite des troupes françaises au-delà du Rhin, la création indépendante d’une confédération du Nord et la reddition de Wesel. Le refus de l’empereur des Français fut naturellement immédiat, et la guerre que la Prusse désirait avec tant d’ardeur, parce qu’elle se croyait prête et invincible, fut déclarée.