Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 27.djvu/677

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suspend au cytise, la poule quand elle picore, la grue ou le héron quand ils s’en vont, sur leurs échasses, chasser aux vermisseaux. Ces études d’après nature qui, plus tard, seront mises à part, dans, des cadres, pour divertir les amis des bêtes et les chasseurs, sont répandues là où le peintre l’a pu : près du Bon Dieu.

Ses études de botanique, aussi, d’ailleurs. C’est peu de dire de l’artiste, à cette époque, qu’il fait du paysage, et c’est trop : — il fait de la botanique. Vous reconnaissez-facilement chacune des plantes et des fleurs qu’il a détaillées au premier plan, chacune séparée de l’autre comme posant pour son portrait : ce sont des monographies de fleurs. Rien de si précis, de si exact ou de si scientifique n’a paru, depuis lors, dans nos premiers plans de paysage.

Non seulement l’artiste n’évite pas la confusion des genres et des styles, mais il s’y complaît manifestement. Toujours la chose vue se juxtapose, chez lui, à la chose imaginée. Il habille le fantastique avec le réel : l’ange avec la dalmatique, Dieu le Père avec la couronne impériale, et rien n’est plus précis que l’inventaire de cet intérieur bourgeois où il reçoit les anges de l’Annonciation. C’est le procès-verbal du surnaturel. De là, une saveur et une suggestion toujours nouvelles. Cette juxtaposition continuelle du détail vrai servilement reproduit et de la fantaisie imaginaire, du senti et du voulu, sauve ses compositions de toute monotonie.

Toutefois, cette disparité des styles, si elle est la plus apparente, n’est pas la seule, ni la plus importante. Un artiste, de nos jours, qui voudrait confondre ainsi les genres dans un même tableau et y être, dans un coin, humoriste, dans l’autre dévot, dans l’autre épique et plus loin réaliste, le pourrait sans encore atteindre au caractère particulier de ceci. C’est que partout, d’un bout à l’autre, ii apporterait une science égale, plus ou moins grande, du dessin, de l’attitude et une connaissance égale de l’objet. C’est à quoi de longs siècles de maîtres, d’exemples et de recettes l’ont habilité. Ce n’est pas, là, le lait de notre peintre. Il y a des choses qu’il sait très bien faire dès longtemps et il y en a d’autres qu’il apprend seulement ; il y a des gestes où il est désinvolte et d’autres où il est gauche ; il y a des sortes d’homme ou de bête, des espèces ou des âges, où il est expérimenté et d’autres où il est novice, des