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Dardanelles, diffère tout à fait des deux précédens et s’accorde mieux que ceux-ci avec l’idée que l’on se faisait, — dans la plupart des marines, du moins, — du mode d’action des engins sous-marins. Bien que l’amirauté anglaise se soit montrée, cette fois, très sobre de renseignemens sur cet événement de guerre, on sait par des télégrammes officiels que c’est bien une torpille automobile, lancée par un torpilleur germano-turc, qui a détruit le cuirassé anglais au cours du combat de nuit en question. Évidemment, les circonstances favorisaient ici l’assaillant. Tandis qu’il pouvait se glisser inaperçu le long d’une côte découpée près de laquelle le Goliath était obligé de se tenir, ce dernier était dénoncé, soit par les faisceaux lumineux des projecteurs de la côte, soit par les éclairs de sa propre artillerie, qui était en pleine action. Le cuirassé ne pouvait d’ailleurs pas marcher bien vite : il avait à régler son tir sur des buts variés et peu apparens ; de plus, il lui fallait évoluer et se tenir prêt à éviter des collisions doublement dangereuses. Il n’est pas douteux qu’en pareil cas un « encadrement » de torpilleurs, voire de simples vedettes armées, eût été pour le Goliath d’un précieux secours. Il ne l’est guère moins que le commandement en chef ne pouvait assurer une sauvegarde de ce genre à toutes les unités de combat mises en ligne.

Ne perdons pas de vue, d’ailleurs, que, même chargé brusquement ou attaqué a coups de canon par un flanqueur, le torpilleur assaillant dont le commandant garde son sang-froid reste maître, le plus souvent, de lancer son engin. La torpille passe au-dessous de la coque peu plongée de l’adversaire immédiat, pour aller frapper celle, beaucoup plus profondément immergée, du grand bâtiment. Ce qu’il faut à tout prix, c’est de ne pas laisser le torpilleur s’approcher jusqu’à la bonne distance de lancement. Comment y réussir avec quelque certitude dans un bras de mer resserré ? Répétons encore que la portée efficace des torpilles automobiles a singulièrement grandi dans ces dernières années, avec leur justesse et le poids de leur charge. Les Allemands, les Autrichiens, les Turcs eux-mêmes, fournis par l’Allemagne, ont adopté le plus grand, le plus puissant modèle connu, celui dont j’ai parlé plus haut, tandis que d’autres marines, après des années d’expériences et de discussions savantes, n’arrivaient pas à s’y résoudre en temps opportun.

On ne peut se le dissimuler, quoiqu’il en coûte à