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obligent la première marine du monde à mesurer strictement les efforts que ses flottilles peuvent être appelées à donner en vue de services qui n’ont pas un caractère essentiellement militaire, on s’explique assez aisément qu’il ne soit pas toujours possible à nos chefs d’escadre d’assurer à des bâtimens détachés dans les parages fréquentés par les sous-marins l’aide précieuse des contre-torpilleurs qui font partie de leur force navale. Encore que je ne dusse à cet égard rien apprendre à des adversaires parfaitement et depuis longtemps renseignés, je m’abstiens de donner des chiffres, et je me borne à constater avec tant d’autres, avec les premiers intéressés en tout cas, la criante insuffisance numérique de nos bâtimens légers. Il serait oiseux, en ce moment, de rechercher à qui remonte la responsabilité de la disproportion si fâcheuse et si peu militaire qui existe entre les divers élémens constitutifs de notre flotte. Ce ne sont pas les avertissemens qui ont manqué cependant. Les officiers qui réfléchissent n’ont cessé de répéter de vive voix et par écrit qu’à la guerre on n’aurait jamais assez de bâtimens légers. Nous en avions, il y a peu d’années encore, un plus grand nombre qu’aujourd’hui : c’étaient non pas des contre-torpilleurs, ou destroyers, mais de simples torpilleurs de 90 à 110 tonnes, parfaitement susceptibles de rendre des services dans la Manche, la mer du Nord et la Méditerranée. On a trouvé trop coûteux l’entretien de ces petits bâtimens ; on a jugé aussi que leur armement absorbait un personnel qu’il semblait plus convenable de réserver aux grandes unités. Je ne discuterai pas ces motifs, qui ne pouvaient avoir une apparence de valeur qu’à la condition qu’on fit systématiquement litière des exigences dont je parlais tout à l’heure, car si ces exigences avaient été admises, reconnues, si l’on avait su prévoir ce que serait la guerre future, il n’était que de demander au Parlement, — qui ne les eût certainement pas refusés, — les crédits nécessaires pour donner satisfaction à tous les besoins bien constatés.

Tant y a que le nombre des torpilleurs en question est des plus restreints ; que, d’ailleurs, celui des contre-torpilleurs, — dont le prix de revient est beaucoup plus élevé, — s’est trouvé limité par le désir que l’on avait de se procurer au plus tôt une flotte de Dreadnoughts et que nous n’avons pas, comme l’Angleterre, la faculté de trouver dans un outillage naval très développé un nombre suffisant de navires auxiliaires. Aurions-nous