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l’étranger peut facilement, ainsi que nous l’avons fait nous-mêmes, en parcourir curieusement les salles sonores et poussiéreuses.


Corée, Mandchourie méridionale, Liaotong, ne suffisaient pas à l’activité japonaise ; pour se satisfaire, celle-ci avait besoin d’étendre son action dans l’immense Chine elle-même. Mais là, l’immigration ne pouvait se faire que par infiltration.

Le représentant du Mikado à Pékin tenait bien, à côté des ministres des Puissances, la place qui lui revenait. Des conseillers japonais faisaient partie du groupe d’étrangers qui entourent le gouvernement chinois et s’efforcent d’acquérir quelque influence dans le sens des intérêts de leur nation ; mais ce système d’action diplomatique, si peu riche de résultats, ne pouvait à lui seul satisfaire les hommes d’Etat japonais.

Bien plus avantageux devait être la venue continuelle sur le continent de sujets du Mikado s’installant partout, dans les places, dans les commerces les plus modestes, à la manière allemande, laquelle d’ailleurs avait été minutieusement étudiée. Sur ce terrain, le Japonais, homme de race jaune et voisin de la Chine, dispose d’une supériorité réelle sur l’Occidental. Il n’est pas obligé comme celui-ci de se confiner dans la direction des affaires importantes ; il apprend très facilement à parler la langue chinoise peu différente de la sienne et plus facilement encore à l’écrire puisque les caractères dont il se sert sont les mêmes et ont le même sens que les idéogrammes chinois. Il peut donc pénétrer dans cette curieuse société en dehors de laquelle les blancs sont obligés de rester, ne pouvant ainsi exercer qu’une influence indirecte extrêmement faible. Aussi le gouvernement du Nippon encouragea-t-il vivement l’émigration dans la Chine propre, partout où des étrangers avaient, de par les traités, le droit de séjour. Dans les ports ouverts, on trouve de tous côtés des commerçans japonais. Ils y tiennent des bazars, des épiceries, y vendent des drogues ; en certains lieux, ils semblent avoir accaparé la profession de coiffeur, car ils taillent les cheveux « à la mode de la civilisation, » disent leurs enseignes, et ils sont d’une remarquable propreté ! Si on en juge par le nombre des cliens que nous avons vus dans leurs boutiques, ils doivent faire d’excellentes affaires. De nombreux