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van Ostade, tels sapeurs de Liège jouent aux cartes derrière le bow-window des « Liserons. » Le caporal enseigne la théorie chez « Gertrude. » Chaque section occupe, ce printemps, une maison dédiée, pour l’ordinaire, à la villégiature estivale des familles. Les hussards y couchent dans la paille. On y décrotte les brodequins et les guêtres de la tranchée. On y chauffe la soupe. On y débarbouille les visages prédits jadis par Franz Hals. On y savonne ses poings. On y marchande le tabac et les allumettes vendus par des Mathildes accortes. On y chante sa confiance vigoureuse. Peu à peu, de ces maisons pimpantes ornées de céramiques à fleurs, de toitures aux géométries complexes, sortent les escouades en capotes noires et les escouades en capotes bleues. Elles se dispersent sur le boulevard de briques. Elles se divisent par groupes de politiques animés, par trios de fumeurs indolens, par couples d’amis chaleureux. Les uns et les autres tournent les dunes. Ils se dirigent vers la ville.

À l’abri, dans les fonds, des quartiers tumultueux se tassent autour de places où les caissons s’alignent. Par les avenues, les tramways glissent bondés d’adolescens facétieux. Les automobiles de l’état-major, en meuglant, écartent la foule des guerriers. Elle se gare. Elle se presse. Elle s’agglomère autour d’un nouvelliste. Elle s’éparpille dans les rues, selon des caprices ardens. Ces camarades narquois se taquinent. De bons garçons s’offrent des cigarettes. Les solitaires déploient l’Indépendance belge. Les sociables s’invitent au seuil des tavernes pleines. Les gourmands se promettent le café chaud, la chope que déborde la mousse de la bière flamande. Toute cette armée blonde discute sous le béret à bande rougeâtre. Elle s’exalte en mêlant ses uniformes noirs et ses uniformes bleus. Elle s’amuse d’être à la guerre, semble-t-il, d’en pratiquer les sports, d’exercer son intelligence à comprendre les mouvemens stratégiques des Russes, les intrigues lointaines de la diplomatie bulgare, malgré la bise qui bouscule les feuilles des gazettes, qui relève les pans des capotes. C’est une vie d’entrain, de bonne humeur, de force. Rien n’a terrifié ces grands citoyens. Inutilement les Barbares ont massacré, violé, incendié, torturé leur patrie. Elle est là, très vivante, tout heureuse de sa foi en la victoire.

Que, du zénith, parfois, tombent des bombes, que leur