Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 27.djvu/564

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fait la navette entre Annemasse et Thonon, et qui doit remettre cette liste pour contrôle au commissaire spécial de Thonon. C’est qu’on doit prendre de réelles précautions quant à certaines personnes qui pourraient se glisser parmi les rapatriés, avec des intentions peu patriotiques… Et la police des gares n’est pas une sinécure en temps de guerre.

J’ai demandé à M. P… quelles mesures sont prises à l’égard des « indésirables, » particulièrement lorsqu’elles sont malades. On les hospitalise dans des établissemens spéciaux, réquisitionnés à cet effet, et une surveillance sévère est établie. La chose est sérieuse : un seul convoi a amené, certain jour, trois cents de ces malheureuses !


Thonon, 5 heures du soir. — A travers le lac gris, sous le ciel plombé, secoué par le vent d’orage, le bateau me mène à Thonon. A l’arrivée, le petit funiculaire-joujou monte la côte abrupte, et me voici en compagnie de M. le docteur Lesage, délégué de la Ligue contre la Mortalité infantile. M. Surugue, préfet de Haute-Savoie, nous reçoit devant la caserne, aménagée en asile temporaire. Avant de regagner Annecy, M. le préfet veut bien nous mettre au courant de tout ce qui a été fait pour les évacués, depuis le 10 mars, par les soins de son administration.

C’est chaque soir à 10 heures que le convoi d’Annemasse parvient en gare de Thonon. Les femmes et les enfans sont tout de suite hospitalisés à la caserne qui contient trois cents lits. Les hommes valides sont répartis chez des hôteliers, qui leur donnent lits et repas pendant les vingt-quatre heures que dure le séjour. Puis, au bout de ce temps, le convoi, parfois diminué de quelques malades ou vieillards, recueillis dans l’hospice de Thonon, est dirigé sur sa destination finale.

Nous allons, d’ailleurs, suivre pendant toute la durée de leur halte les arrivans de ce soir. Et, en attendant, nous visitons les locaux de la caserne où se trouvent encore les évacués d’hier dont le départ aura lieu à 9 h. 20. Il ne se passe ainsi qu’une heure à peine entre un convoi et le suivant.

La caserne présente, aussitôt qu’on en a franchi le seuil, un aspect de fête. Sur les murs, des drapeaux, des banderoles, des inscriptions en couleur, des guirlandes de feuillage. Les