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dépression causée par l’exil autant que par la famine, que la confiance persiste, résiste, généralement même s’affirme en eux à mesure que le temps avance… C’est que, au long des mois passés, des prisonniers nouveaux sont venus s’ajouter aux premiers, et ceux-là savent, de visu, que les Allemands ne sont pas les vainqueurs.

En quittant Fribourg, la jolie ville aux vieux remparts, au ravin profond, traversé par ses antiques ponts suspendus, j’ai admiré un moment le paysage. Et voici qu’un arc-en-ciel est venu s’appuyer sur le ravin. Il montait joliment dans le ciel mi-sombre, aux lueurs évanescentes de l’orage. Une pensée très douce est entrée dans mon cœur : mon espoir est plus que jamais une certitude.

Et quand le train qui m’amène à Lausanne débouche du tunnel de Chexbres, je vois que l’autre extrémité de l’arc repose sur la rive de France. Je salue le lac qui ne sépare pas, mais qui unit si bien les deux pays. Le symbole est charmant. Je ne l’ai pas cherché : la nature a parfois de ces délicatesses.


Annemasse. — Nous arrivons trop tôt dans l’après-midi. La ville est déserte. Ce n’est qu’un grand village. Pluie, chaussées détrempées. Nous errons, avant de nous reconnaître, au milieu d’une boue épaisse.

A la mairie, devant laquelle s’arrête le tramway qui vient de Genève, nous trouvons les bureaux fermés ; on les ouvre à l’arrivée des convois qui doivent s’arrêter à Annemasse à 5 h. 30. Cependant, nous découvrons l’entrée d’une grande salle, où sont reçus et inscrits les évacués. Deux convois passent chaque jour, l’un (celui de Schaffouse) à 7 heures du matin : l’autre (venant de Zurich), à 5 h. 30 du soir. Chaque convoi reste environ trois heures à Annemasse, où, après reconstitution de l’état civil individuel, des repas sont donnés aux évacués dans les hôtelleries de l’endroit. Puis un train spécial les conduira en une heure à Evian ou à Thonon.

5 heures 45. — Voici le premier tiers du convoi, amené par le tramway. Deux autres rames le suivent, à quelques minutes d’intervalle. Des familles descendent ; beaucoup d’enfans de tous âges. Différence avec l’arrivée d’un convoi semblable à Zurich !