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Mais il faut cesser les conversations et se rendre au vestiaire, où nous attend la présidente du Comité de Secours, Mme S…

Ce vestiaire est organisé dans un grand local à plusieurs étages. Au rez-de-chaussée, on cloue des caisses : des chemises d’hommes y sont empilées, destinées à des camps de prisonniers de guerre, que le Comité français de Berne s’est chargé de pour voir. Cet envoi est prélevé sur les wagons de sous-vêtemens envoyés de France.

Au premier étage, magasin d’effets destinés aux évacués. Les dames de Schaffouse et même les pauvres gens du pays, contribuent à le garnir et à le renouveler. Des dons considérables viennent de France : l’œuvre du « Vêtement du prisonnier de guerre » envoie régulièrement chaque semaine le contenu d’un ou deux wagons aux comités suisses. Et ce n’est pas trop pour répondre aux besoins, me disent les dames qui m’entourent.

Au troisième étage, lieu de distribution. De longues tables, numérotées de un à dix, portent des vêtemens classés par sexe et par âge. Deux dames se placent à chaque table, et les soldats font défiler les pauvres gens qui ont été dépossédés de tous leurs biens.

On voit, dans cette grande salle, des spectacles touchans. La reconnaissance s’exprime devant des dons faits d’un cœur large. Mais j’entends ce mot, comme à la cantonade ; « On avait tout ça, chez nous ! » Il y a là, pour la majorité, des familles de paysans qui n’avaient pas connu, avant la guerre, la nécessité de demander. On pourrait dire ici, de recevoir sans demander, car certains font preuve d’une discrétion extrême. Les dames du Comité mettent chacun à son aise : « Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? Choisissez vous-même ! » Les femmes, pour la plupart, ne s’en font pas faute, surtout quand il s’agit des enfans. D’autres sont gênées, hésitent. Les vieux hommes, pauvres déracinés, semblent incapables de dire ce dont ils ont besoin. Et cependant, personne, parmi ce troupeau exilé, n’a de colis avec soi. Dans un train de cinq cents, on a pesé, par curiosité, jusqu’à soixante-dix kilogrammes de bagages. Pas même cent cinquante grammes par tête.

Je me place dans un coin, et j’observe, car il y a encombrement et on n’a pas besoin de mes services. A chaque femme on donne « ne chemise, un tricot, des bas, un corsage, souvent une jupe.