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Cabinet britannique, le plus ardent défenseur de la paix, ne ferait pas tomber les armes des mains prêtes à s’en servir ? Mais l’Empereur dissipa encore, par la rapidité de ses résolutions, cette folle illusion. Le 31, à sept heures du soir, une sommation fut adressée au gouvernement russe de démobiliser aussi bien sur la frontière autrichienne que sur la frontière allemande. Un délai de douze heures lui était laissé pour y répondre.

Il était manifeste que la Russie, qui avait refusé deux jours auparavant d’interrompre ses préparatifs militaires, n’accepterait pas l’ultimatum allemand sous la forme impérieuse et avec le minime délai qui le rendaient encore plus injurieux. Cependant, comme aucune réponse de Saint-Pétersbourg n’était arrivée le lendemain dans l’après-midi, MM. de Jagow et Zimmermann (je le tiens de ce dernier) coururent chez le chancelier et chez l’Empereur, afin d’obtenir que l’ordre de la mobilisation générale ne fût pas lancé encore et que Sa Majesté attendit jusqu’au jour suivant. Ils alléguèrent, à l’appui de leurs instances, que les communications télégraphiques avec Saint-Pétersbourg étaient sans doute coupées, ce qui expliquerait le silence du gouvernement du Tsar. Peut-être espéraient-ils encore, contre toute espérance, une proposition conciliante de la Russie. Ce fut la dernière manifestation de leur pacifisme expirant, ou le dernier réveil de leur conscience. Leurs efforts se brisèrent contre l’opposition irréductible du ministre de la Guerre et des chefs de l’armée, qui représentèrent à l’Empereur les conséquences fâcheuses d’un retard de vingt-quatre heures. L’ordre de mobilisation de l’armée et de la flotte fut donné à cinq heures de l’après-midi et porté aussitôt à la connaissance du public par une édition spéciale du Lokal Anzeiger. La mobilisation devait commencer le 2 août. Le 1er, à sept heures et demie du soir, la déclaration de guerre de l’Allemagne était remise à la Russie.

Le Cabinet de Berlin dut recourir, comme on le sait, à d’invraisemblables prétextes, tels que la constatation par les autorités militaires allemandes d’actes d’hostilité commis sur le territoire de l’empire par des aviateurs français, pour pouvoir, deux jours après, motiver sa déclaration de guerre à la France. Quoique l’Allemagne s’efforçât de rejeter la responsabilité de la catastrophe sur la Russie, aucun doute ne peut subsister