Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 27.djvu/498

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais la version répandue par la chancellerie impériale avait encore un autre but que celui d’éclairer les gouvernemens étrangers. Répétée à satiété par la presse, elle visait à égarer l’opinion allemande. Dès le début de la crise, M. de Bethmann-Hollweg et ses adjoints s’ingénièrent adroitement à tromper leurs compatriotes, à intervertir les rôles, à rejeter d’avance, si la situation empirait, l’odieux de la provocation et la responsabilité de la catastrophe sur la Russie, parce que cette Puissance se mêlait d’une opération de police qui ne la regardait pas. Manœuvre prévoyante, dont le résultat a été de faire marcher au moment voulu derrière l’Empereur toute l’Allemagne sans distinction de classes ni de partis, persuadée qu’elle était d’une agression préméditée du tsarisme.


VI

Le jeu de la diplomatie allemande pendant ces premiers jours de la crise, qui vont du 24 au 28 juillet, a déjà été mis en lumière : menaçant au début, nonchalant ensuite, affectant même quelque optimisme, et par sa résistance passive faisant échouer tous les efforts et toutes les propositions des Cabinets de Londres, de Paris et de Saint-Pétersbourg. Gagner du temps, traîner les négociations en longueur, semble avoir été la tâche dévolue à la complice de l’Autriche-Hongrie, afin de favoriser une action rapide de cette dernière et déplacer la Triple-Entente devant l’irrémédiable, devant des faits accomplis : l’occupation de Belgrade et la soumission des Serbes. Mais les choses ne marchèrent pas comme on l’avait espéré à Berlin et à Vienne, et l’attitude résolue de la Russie, qui avait mobilisé son armée dans quatre districts du Sud, en réponse à la mobilisation partielle autrichienne, fit réfléchir les tacticiens de la Wilhelmstrasse. Leur langage et leurs dispositions s’adoucirent singulièrement le cinquième jour, le mardi 28. Rappelons en passant qu’en 1913, pendant les hostilités balkaniques, l’Autriche et la Russie avaient procédé également à quelques mobilisations partielles, sans qu’une guerre entre elles en eût résulté, ni même qu’elle eût été sur le point d’éclater.

Le 26 au soir, la rentrée de l’Empereur est annoncée à Berlin. Pourquoi ce retour subit ? Je ne crois pas me tromper,