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autrichiennes, auxquelles satisfaction était donnée avec des restrictions de peu d’importance. M. Zimmermann me répondit qu’il n’avait pas connaissance de cette réponse (remise déjà depuis deux jours au ministre d’Autriche à Belgradel) et que, d’ailleurs, rien ne pourrait plus empêcher une démonstration militaire austro-hongroise. Le document serbe ne fut publié que le 29 par les journaux de Berlin. La veille, ils avaient tous reproduit un télégramme de Vienne annonçant que cette soumission apparente était absolument insuffisante. Les concessions immédiates du Cabinet Pachitch, auxquelles on ne s’était pas attendu à l’étranger, ne firent aucune impression en Allemagne où l’on s’obstinait à ne voir que par les yeux de l’Autriche.

La thèse, soutenue par M. Zimmermann, n’était défendable que si l’on admettait cette première proposition, à savoir qu’aucune Puissance n’avait le droit de s’immiscer dans le procès intenté par l’Autriche-Hongrie à la Serbie, ni d’embrasser la défense de la coupable. C’était tout simplement abolir le rôle historique de la Russie dans les Balkans. C’était aussi, par une logique fatale, prononcer d’avance la condamnation de chaque petit État qui aurait le malheur d’avoir une contestation avec une grande Puissance. D’après les principes du Cabinet de Berlin, il faudrait laisser celle-ci procéder librement à l’exécution de son faible adversaire. L’Angleterre n’aurait donc eu aucun droit de voler au secours de la Belgique envahie par l’Allemagne, comme la Russie de protéger la Serbie menacée par l’Autriche.

La Russie devait se contenter, prétendait-on à la Wilhelmstrasse, de l’assurance que l’Autriche ne toucherait pas à l’intégrité territoriale de la Serbie ni à sa vie future d’État particulier. Promesse dérisoire, quand tout le pays aurait été mis à feu et à sang. Après une correction aussi exemplaire, le royaume serbe était condamné à tomber dans le vasselage de sa terrible voisine, à végéter, humble et tremblant, sous l’œil méfiant du ministre austro-hongrois, transformé à Belgrade en proconsul. Le comte Mensdorff n’a-t-il pas soutenu à sir Edward Grey qu’avant la guerre des Balkans la Serbie était considérée comme gravitant dans la sphère d’influence de l’empire dualiste ? Le retour au passé, à l’obéissance docile du roi Milan, était le minimum de ce qu’on eût réclamé à Vienne.