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monarchie. C’est pour elle maintenant une question d’existence. Il faut qu’elle coupe court à la propagande audacieuse qui tend à sa désagrégation intérieure par l’insurrection des provinces slaves de la vallée du Danube. Elle a enfin à venger d’une façon éclatante l’assassinat de l’archiduc héritier. Pour toutes ces causes, la Serbie doit recevoir, au moyen d’une expédition militaire, une sévère et salutaire leçon. Une guerre austro-serbe est donc impossible à éviter.

« L’Angleterre nous a demandé de nous joindre à elle, à la France et à l’Italie, afin d’empêcher que la lutte ne s’élargisse et qu’un conflit n’éclate entre l’Autriche et la Russie. Nous avons répondu que nous ne demandions pas mieux que de contribuer à circonscrire l’incendie, en parlant dans un sens pacifique à Pétersbourg et à Vienne, mais que nous ne pouvions pas agir sur l’Autriche pour l’empêcher d’infliger une punition exemplaire à la Serbie. Nous avons promis à nos alliés autrichiens de les y aider et de les soutenir, si une autre nation cherchait à y mettre obstacle. Nous tiendrons notre promesse. Si la Russie mobilise son armée, nous mobiliserons immédiatement la nôtre, et alors ce sera une guerre générale, une guerre qui embrasera toute l’Europe centrale, et même la presqu’île balkanique, car les Roumains, les Grecs, les Bulgares et les Turcs ne pourront pas résister à la tentation d’y prendre part.

« J’ai dit hier, poursuivit M. Zimmermann, à M. Boghilchévitch (c’était l’ancien chargé d’affaires de Serbie, de passage à Berlin, où il était très apprécié pendant la guerre balkanique), que le meilleur conseil que je pusse donner à son pays était de n’opposer à l’Autriche qu’un simulacre de résistance et de conclure la paix au plus vite, en acceptant toutes les conditions du Cabinet de Vienne. J’ai ajouté que, si une guerre générale éclatait et qu’elle tournât à l’avantage de la Triplice, la Serbie cesserait vraisemblablement d’exister comme nation ; elle serait rayée de la carte de l’Europe. Mais j’espère encore qu’une conflagration pareille pourra être évitée et que nous réussirons à dissuader la Russie d’intervenir en faveur de la Serbie, dont l’Autriche est résolue à respecter l’intégrité, une fois qu’elle aura obtenu satisfaction. »

J’objectai au sous-secrétaire d’Etat que, d’après certains de mes collègues qui avaient lu la réplique du Cabinet de Belgrade, celle-ci était une capitulation complète devant les exigences