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dorée et entourée de fleurs. D’un côté de l’image est installé un vieil orgue aux tuyaux de plomb : de l’autre côté se tient, en permanence, un prêtre. La musique de l’orgue s’exhale dans l’air, mêlée au parfum de l’encens et à un murmure continu de prières. En bas, dans la ruelle étroite et boueuse, s’agenouillent à toute heure nombre de pauvres gens, un livre de prières à la main. Ceux-là sont des Polonais. Mais sous l’arche de la porte défilent constamment, aussi bien la nuit que le jour, des troupes russes s’en allant sur le « front. » Et à mesure qu’ils approchent de la sainte image polonaise, vous voyez chacun de ces hommes, officier ou simple soldat, ôter sa casquette et passer, la tête nue, entre les deux rangées des Polonais en prières. Je ne saurais dire combien cela est beau. Ah ! puisse la Russie continuer toujours à se comporter de cette façon en présence de la divine Mère de la Pologne !


Si bien que, après la victoire, la grande majorité du peuple russe approuvera le geste de son souverain, rendant la liberté à la Pologne. M. Graham ne croit pas que celle-ci puisse être pourvue d’une royauté indépendante. « Les monarques de petits États excellent à fomenter des dissensions ; et vraiment, la jalousie de maintes cours constituées naguère sous l’influence de la Russie a déjà donné lieu à trop d’ennuis et de malentendus. » Mais la Pologne aura son Home Rule ; elle pourra contrôler librement ses finances ; elle se trouvera en état d’« organiser l’éducation de son peuple, et de tâcher à devenir une forte nation. » Tout cela, on l’entend bien, ne sortira point de terre sans valoir à la Russie maintes difficultés. Évidemment, de mauvais conseillers lui diront qu’il serait, pour elle, infiniment moins malaisé d’éluder ses obligations que de les remplir. « Mais il n’y a pas à craindre qu’elle cherche, si peu que ce soit, à les éluder ! »

Encore la réalisation de ce magnifique projet ne sera-t-elle possible que si les Russes parviennent à mettre la main sur les vastes régions polonaises soumises au joug allemand et autrichien. Que si la victoire des Alliés ne revêt pas un caractère assez décisif pour que l’Allemagne et l’Autriche renoncent à leur ancienne frontière orientale, M. Stephen Graham a peur que la Russie ne se sente pas en mesure de ressusciter entièrement une Pologne dont les deux tiers continueront d’échapper à son influence. « Mais, en tout cas, une chose est désormais absolument sûre, même parmi les conditions les moins favorables ; et c’est, à savoir, la nouvelle amitié des Polonais et des Russes. Quoi qu’il puisse arriver, jamais plus la Russie ne manquera à faire de son mieux envers ses Polonais. » Pour le reste, demain apportera sa réponse ; et, dès aujourd’hui, la Russie travaille « de son mieux » à la préparer. « Elle poursuit sa lutte