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dire qui respirait la Dame Blanche, comme « la rose blanche » de l’opéra-comique. Si l’histoire ajoute au charme de Richard Cœur de Lion, la Dame Blanche n’a pas besoin de ce secours. Ici la musique seule suffit pour évoquer le passé, pour nous en donner l’impression à la fois délicate et profonde. Nous devons aux tremblans couplets : « Tournez, tournez, fuseaux légers ! » d’avoir, nous aussi, notre « Marguerite au rouet, » plus pure et plus auguste, sous ses cheveux blancs, que la Gretchen allemande. Quant à la scène finale, où, sous la mélodieuse influence des vieux refrains de sa tribu, George Brown redevient peu à peu Julien d’Avenel, on peut douter s’il existe dans l’ordre sonore une image, une représentation plus discrète et plus attendrissante de cet ensemble de sentimens et d’émotions qu’on nomme le souvenir.

À propos des maîtres d’autrefois que nous rappelons aujourd’hui, nous ne parlons que de sentiment, non de passion. La finesse, la justesse, voilà ce qui fait, de cette musique tempérée, une délicieuse musique, et vraiment nôtre. « J’arrive, j’arrive en galant paladin, » chante le jeune officier courant au rendez-vous mystérieux. Si vive, si courtoise que soit ici la musique, pas plus que les mots elle n’exagère : elle ne prend pas un paladin pour un héros, elle sait la différence entre la galanterie et l’amour. Çà et là pourtant elle se permet un accent, une touche plus vive. Rappelez-vous la cavatine : « Viens, gentille dame, » où l’on dirait que le souffle de Mozart, du Mozart de l’Enlèvement au sérail, a passé. Jusque dans le duo qui suit, presque partout coquet et léger seulement, qui ne reconnaîtrait, i l’intonation de ces paroles : « Tu me promets qu’elle viendra, » un mouvement, un élan de véritable et déjà fervent amour ! Tout autre est le ton d’un autre duo, celui du premier acte, entre le jeune officier et l’accorte fermière : « Il s’éloigne, il nous laisse ensemble. » Musique aimable, mais nullement amoureuse. Il ne s’agit là que d’un baiser pris et rendu au passage. Les maîtres de la peinture de genre, et non les moindres, n’ont pas dédaigné cet agréable sujet, militaire et rustique. C’est en peintre de genre aussi que le musicien de la Dame Blanche l’a finement traité.

Tableau de genre encore, la scène de la vente, mais d’une composition, d’une ampleur, où les maîtres de notre opéra-comique, avant Boieldieu, n’avaient pas encore atteint. Et les musiciens étrangers, de leur aveu même, eussent ici montré moins de finesse. « Nous autres Italiens, » disait Rossini, « nous n’aurions mis là que des Félicità ! » Le sujet : une adjudication immobilière, prêtait peu, si même il ne