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que, dans toutes les familles, même les plus prolifiques, il y a limitation du nombre des enfans. La seule différence entre la France et les autres pays, c’est qu’en France les couples se limitent à trois enfans (et même moins) ; tandis qu’en Angleterre, ils se limitent à quatre ; en Allemagne, en Russie, en Roumanie, à cinq. Autrement dit, le chiffre auquel s’arrêtent les familles françaises est inférieur au chiffre auquel s’arrêtent les familles anglaises, russes et allemandes.

On m’excusera, j’espère, si je parle avec cette liberté de langage un peu rude. Mais c’est une lâcheté que de farder son opinion. Parlons aux hommes comme à des hommes, et non comme à des enfans. C’est se moquer d’eux que de ne pas oser écrire ce qu’ils savent tous parfaitement bien. Ils ont tous voulu restreindre le nombre de leurs enfans. Et ils ont parfaitement réussi. Nul d’entre eux n’osera me contredire. Et la natalité générale est devenue si faible que la France s’achemine vers l’anéantissement.

Ainsi le nombre des enfans est déterminé par la volonté bien arrêtée des parens qui ont pris toutes les précautions nécessaires pour combattre une fécondité, regardée par eux comme un malheur. Le nombre des enfans de chaque famille est le nombre voulu et consenti.


Il ne suffit pas de dire que tous les ménages limitent le nombre de leurs enfans : il faut encore savoir pourquoi. Et, ici encore, je m’excuse de dire des naïvetés si banales, si terriblement banales et évidentes. Mais il ne s’agit pas, en ce moment, d’émettre quelques brillans paradoxes. Il suffit de dire simplement et sans frayeur la vérité toute nue.

Or la vérité, simple et nue, c’est que, dans leur prudente économie, les ménages français ne veulent pas s’imposer-la charge pécuniaire d’un enfant. Voilà la raison, et la seule (sauf exception, bien entendu), qui diminue le nombre des naissances. Nourrir un enfant, l’habiller, le loger, l’élever, c’est, même pour les plus pauvres, au moins 200 francs par an pendant quinze ans. Et alors les parens raisonnent, réfléchissent, calculent, supputent, font et refont des comptes, comparent les dépenses et les recettes. Il n’y a que les indigens qui ne calculent ni ne réfléchissent ; car, pour eux, avec ou sans enfans, la