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exemple, en parle en ces termes dans une lettre du 8 avril 4853, à Charles Garnier : « About est parti pour la Terre Sainte, malgré toutes nos représentations. Je le crois à moitié fou. Il ne parle plus que de religion, d’ascétisme et de vie contemplative. J’ai peur qu’il ne se fasse moine là-bas. » Il n’alla pas jusque-là, et sans doute cette attitude n’est qu’un mauvais tour de ce bon compagnon qui s’ennuie tous les jours davantage. Lui qui, au début, se plaignait d’avoir une indigestion de ciel bleu, de montagnes bleues, de poussière bleue et de tout ce qui constitue un pays chéri des dieux, en était intoxiqué maintenant, et ne songeait qu’à rentrer en France, à Paris. L’exil avait assez duré ; d’autant que des incidens désagréables s’y étaient mêles. En voici un dont on a peu parlé et qui n’en fut pas moins sensible à About. On a vu que le sculpteur David d’Angers était venu à Athènes. Le coup d’État l’avait chassé de France, et, dans son exil, quittant la Belgique par l’Allemagne et Trieste, l’artiste essayait de se fixer en Grèce, qu’il admirait de confiance. Quand il y débarqua, en mai 1852, Garnier et Curzon y étaient encore. Mais David devait lui aussi en rabattre, du pays et de ses habitans. Pourtant, à Athènes, il voulut laisser un souvenir de son passage, et se mit à exécuter le buste de l’amiral Canaris, le héros de la guerre de l’Indépendance. Il en sortit une œuvre vivante et convaincue, qui enthousiasma Edmond About quand il la vit. Il pensa que cette circonstance était favorable pour faire rappeler en France le sculpteur absent, et aussitôt il envoyait d’Athènes, le 27 juin 1852, un article qui, sous la forme d’une lettre au directeur de l’Illustration, fut publié dans le numéro du 11 juillet suivant, en compagnie d’une gravure représentant l’ouvrage de David.

C’est là sans doute, enfoui dans la collection de l’Illustration, le premier article d’un homme qui, par la suite, devait en publier un si grand nombre. À ce titre seul, ces lignes mériteraient d’être recueillies ; mais elles faillirent avoir, sur le sort d’Edmond About, une influence qu’on ne saurait taire, quoiqu’on ait négligé de le dire. Loin de produire l’effet que l’auteur en attendait, d’abréger l’exil de David, ce généreux langage pensa au contraire faire renvoyer About de l’Ecole d’Athènes. Le ministère de Fortoul s’émut de cet article, qui paraissait contenir une leçon pour le pouvoir, et voulut sévir contre celui qui prétendait la donner. Il ne fallut rien de moins que