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ont des bras et des jambes faits au moule d’un mélange de pommes de terre, de riz, de bois pulvérisés et autres substances savamment dosées et boulangées dans des malaxeurs. Cette machinerie puissante semble destinée à tout autre fin qu’à l’enfantement de minces rouleaux qui, portés tout humides sous les presses, en sortent par vingt membres à la fois, évidés au dedans et modelés au dehors. Ils n’ont plus qu’à passer à l’étuve pour le séchage. L’effectif de 5 millions et demi de sujets par an, — soldats ou bébés, — qui sortent de l’usine de Montempoivre, n’est imposant que par son chiffre. Cette foule est de petite valeur.

Quelque grand que soit le nombre des « pâtes incassables, » les unes en caoutchouc ou celluloïd ininflammable, les autres en matières minérales et poudre de papier, dont la plupart, à l’usage, s’écaillent et gondolent, aucune ne saurait remplacer pour les têtes le biscuit de porcelaine. Au four de deux mètres de la maison Jumeau, la Société des Bébés a, depuis quinze ans, substitué deux fours de six mètres chacun, où s’empilent dans les gazettes de terre 30 000 têtes à la fois. Elle est en train de construire un troisième four. Comme toute porcelaine, celle-ci se compose de kaolin, élément onctueux et infusible qui permet le façonnage en donnant la plasticité ; de feldspath, fusible à haute température, qui donne la transparence à la pâte comme l’huile à du papier ; et de quartz ou sable siliceux, qui n’est ni plastique ni fusible, mais permet de varier la composition et la rend solide. Avec trop de feldspath les pièces se déforment à la cuisson et tombent, tandis qu’elles ont une teinte jaunâtre avec trop de kaolin.

A ces substances fondamentales chaque fabricant, suivant la nature de l’objet à produire, en mêle d’autres qui constituent son secret. Lorsque la porcelaine est, non pas moulée en croûte, mais coulée à l’état liquide, comme c’est ici le cas, on ajoute toujours du silicate de soude, procédé dû à un savant tchèque qui évite le retrait, empêche l’adhérence au moule et permet de mettre moins d’eau dans la bouillie blanche qui va prendre un corps. Le coulage des porcelaines est, comme on sait, fondé sur la propriété que possèdent les moules en plâtre sec de boire l’eau d’une « barbotine » dont la partie solide se fige d’elle-même en épousant la forme des parois. On vide ensuite l’excédent de cette crème de porcelaine.