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avec des pincettes de cheminée, dont il s’était armé. C’est du grand vizir que je tiens le récit de cette seconde partie du drame ; il l’avait fait à notre premier drogman, M. Onou. Hassan essaya alors de négocier. « Mon père, dit-il à Mehmed Ruchdi, n’aie pas peur. Sors, je ne veux pas te faire du mal, je veux causer avec toi. » — « C’est bien, mon fils, répondait le grand vizir, calme-toi, tu es trop excité en ce moment, nous causerons après… » Sur ces entrefaites, un aide de camp du ministre de la Marine, ayant appris ce qui se passait, accourut avec quelques hommes et entra dans la salle. Hassan l’étendit mort ; ses hommes s’enfuirent. On finit par faire entrer un peloton de soldats qui s’avancèrent contre Hassan la baïonnette au fusil. Il y eut des blessés parmi eux, je crois même des morts : on finit pourtant par dompter Hassan, qui tomba percé de plusieurs coups de baïonnette.

Le lendemain matin, on le pendit au grand arbre qui se trouvait sur la place du Séraskiérat près de la mosquée de Bayazid, après une procédure sommaire qui le condamna à mort. Mais les personnes qui ont assisté à l’exécution et l’ont vu pendu, — car son corps y est resté exposé plusieurs heures, — prétendirent qu’il était déjà mort quand on l’a hissé sur le gibet. A-t-il été tué par les soldats avant d’avoir été pris ? Est-il mort par suite de tortures qu’on lui avait fait subir pour l’obliger à nommer des complices et expliquer ses intentions ? Qui le saura jamais ? Les témoins ont tous disparu. Le bruit public raconte que la sœur de Hassan était une des favorites d’Abdul Aziz, et que lui-même, très attaché à ce souverain et ayant tout perdu par sa mort et par son renvoi du service personnel du ministère de la Guerre, avait voulu venger et son maître et son propre désastre. Il avait l’intention, disait-on, d’atteindre Hussein Avni et Midhat. Ne connaissant pas ce dernier, il ne l’a pas attrapé, et c’est l’innocent et doux Rachid qui a pâti pour lui.

Hassan est devenu depuis un personnage presque légendaire. Des romans ont été écrits sur lui et sur le drame dont il a été le tragique exécuteur et la victime.

Grand fut l’émoi que l’on ressentit à Constantinople après cette catastrophe. On sentait que le nouveau régime n’était pas solide. Le Sultan, de plus en plus troublé par la nouvelle des exploits de Hassan, n’était décidément pas homme à se rendre