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nombre des réfugiés grandissait à vue d’œil, le mouvement s’étendait, des excès avaient lieu ; les musulmans irrités pressuraient et opprimaient plus que jamais les chrétiens ; on s’armait de part et d’autre, et la situation s’aggravait visiblement. Si la Porte ne voulait pas traiter avec des insurgés, nous, les étrangers, pouvions bien entrer en rapports avec eux, et, empêchant les hostilités d’éclater, nous mettre entre les deux parties pour essayer d’amener une pacification. C’est ainsi que naquit l’idée de la Mission des Consuls de Mostar, qui, du consentement du Gouvernement ottoman et avec le concours des autorités turques, devaient se rendre au camp des insurgés, recueillir leurs vœux, les communiquer aux ambassades et tâcher de décider les fuyards à réintégrer leurs demeures, sous la promesse de quelques améliorations. Mais une pareille solution ne faisait pas l’affaire des Herzégoviniens. Ils savaient par expérience que le mal était plus profond et le remède plus difficile qu’ils ne nous paraissaient l’être. Les réformes promises ne seraient point ou seraient imparfaitement exécutées ; la crise passée, on les maltraiterait de plus belle pour les punir de leur escapade, et il n’y aurait qu’aggravation de mal.

D’autre part, le Monténégro, dont le doigt était incontestablement dans toute cette affaire, ne voulait plus rengainer ; le moment lui paraissait favorable, et le résultat fut que les consuls ne trouvaient pas d’insurgés. A mesure qu’ils cherchaient une bande qu’on désignait comme étant dans un endroit, elle apparaissait ailleurs ; les chefs du mouvement se dérobaient, évitaient de formuler des demandes positives et, en attendant, les conflits armés, les rencontres sur la frontière monténégrine devenaient plus fréquentes et plus sérieuses ; des détachemens de troupes turques étaient attaqués dans des embuscades et battus, et les représailles devenaient de plus en plus violentes. Bref, la Mission des Consuls échoua totalement. A la fin de l’été, au retour de l’ambassadeur, l’Herzégovine et la Bosnie étaient en pleine insurrection, et le Monténégro, malgré les dénégations de son Gouvernement et les assurances de notre consul à Raguse, M. Yonine, soutenait et encourageait le mouvement.

M. Yastréboff, qui avait été envoyé avec la Mission consulaire, voyant parfaitement ce qu’il en était, ne manquait pas de le dire. Mais les dispositions en Russie n’étaient pas favorables à