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compliquer leurs embarras pour les mettre plus impunément à profit.

Il n’y a plus aujourd’hui de péril à reconnaître qu’au moment où la Russie était le plus occupée de son développement dans les provinces reculées de l’Asie orientale, c’est l’Allemagne qui l’a le plus encouragée dans cette voie, en protestant que le souci de ses frontières occidentales ne devait pas être pour elle un sujet d’inquiétude ou un obstacle. C’est elle qui, en même temps, comme je l’ai déjà indiqué, a le plus vivement exhorté le Japon à conclure avec la Grande-Bretagne une alliance dont la pointe était directement tournée contre la Russie. C’est elle, d’autre part, qui, lorsque l’Angleterre se résolut à l’expédition contre le Transvaal, applaudit le plus bruyamment à la résistance des Boers et qui, en outre, fit les tentatives les plus déterminées pour exciter contre le Gouvernement britannique des Puissances qu’elle dénonçait comme lui ayant suggéré à elle-même une coalition opportune, destinée à ruiner ou du moins à affaiblir leur commune rivale. C’est elle enfin qui, au cas où toutes ces intrigues et tentatives auraient abouti, se réservait de nous jeter à nous-mêmes le suprême défi. N’oublions pas que c’est au moment le plus critique des difficultés éprouvées par la Russie, au lendemain même de la bataille de Moukden, que l’empereur Guillaume II faisait à Tanger cette visite destinée à intimider, à contrecarrer l’action française au Maroc.


VI

La France, tout au contraire, dans cette même période, fidèle aux principes qui avaient présidé à l’alliance russe, non seulement pratiquait la politique la plus franchement pacifique, mais se préoccupait, en réglant la plupart de ses litiges, dont quelques-uns fort anciens, avec les différentes Puissances, et, sans négliger ses droits et intérêts, de ne heurter ni de ne froisser les droits et les intérêts des autres.

C’est l’époque où la France, dans un esprit de libérale et généreuse équité, a liquidé et résolu le plus d’affaires, soit avec les grandes Puissances, soit avec les Puissances secondaires et les neutres. Les négociations qu’elle mena et poursuivit alors avec la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, l’Italie, la Turquie, les États-Unis de l’Amérique du Nord,