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quelque temps d’avance, afin qu’il pût intervenir aussi ; et en effet il est probable que l’intervention de la Roumanie suivra de près celle de l’Italie, si même les deux interventions ne se produisent à la fois. L’analogie des situations est frappante. La Roumanie, comme l’Italie, est une nation dont la formation géographique n’est pas encore tout à fait terminée ; elle a aussi son irrédentisme qui porte spécialement sur la Transylvanie et la Bukovine, et l’occasion est si bonne pour s’en emparer qu’il semble impossible de ne pas en profiter. Et ici nous poserons la même question que pour l’Italie : pourquoi la Roumanie n’est-elle pas intervenue plus tôt ? Dans les deux cas, les motifs sont à peu près les mêmes. La Roumanie, elle non plus, n’était pas tout à fait préparée à une guerre qu’elle n’avait pas prévue si prochaine. Son armée, qui est excellente, n’avait pas son matériel de guerre au complet. Elle avait enfin, tout le monde le sait, un gouvernement qui avait l’habitude de s’orienter du côté de Berlin et ne pouvait pas la perdre en quelques jours. La dynastie régnante est allemande, elle appartient à une branche de la famille Hohenzollern. On a cru d’abord que la mort du vieux roi Carol, qui était personnellement inféodé à l’Autriche et à l’Allemagne, modifierait instantanément cette situation : le changement n’a pas été aussi rapide qu’on l’avait espéré. Enfin le premier ministre, M. Bratiano, a trop longtemps vécu sous le régime ancien pour ne pas en partager les tendances. Mais si ce sont là des obstacles, ils ne sont pas invincibles, ils ne peuvent amener que des retards. L’intérêt national par le trop haut pour que sa voix ne soit pas entendue. L’opinion générale, en Roumanie, a été dès le premier moment interventionniste, sous la réserve du choix de l’heure où l’intervention se produirait et des conditions où elle le ferait. On attendait à Bucarest que les progrès des Russes fussent plus accentués en Galicie et sur les Carpathes. On attendait enfin et surtout que l’Italie se décidât. Ces conditions étant aujourd’hui remplies ou sur le point de l’être, il est permis de croire que le moment approche où la Roumanie se mettra en mouvement.

A-t-elle eu, comme l’Italie, des négociations avec l’Autriche et l’Allemagne ? C’est probable, mais comme elles ne se sont pas produites par l’intermédiaire d’un prince de Bülow, elles ont eu moins de retentissement. Elles ne pouvaient d’ailleurs pas avoir un meilleur résultat. L’Autriche avait en effet les mêmes bonnes raisons pour ne pas céder la Transylvanie et la Bukovine à la Roumanie que pour ne pas céder Trente et Trieste à l’Italie. On lui demandait, pour ne pas lui