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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Les ententes internationales ne sont tout à fait certaines que lorsqu’elles sont définitivement conclues, signées et paraphées. En est-il ainsi de celle que l’Italie a négociée pendant ces dernières semaines avec les Puissances de la Triple-Entente ? Nous ne saurions le dire, mais il semble bien que l’affaire soit assez avancée pour qu’à la dernière minute un incident imprévu ne vienne pas arrêter le cours naturel des choses, qu’on peut vraiment appeler celui du destin. Le bruit court toutefois que la diplomatie austro-allemande fait en ce moment une tentative suprême pour ressaisir les chances qui lui échappent, mais on ne croit guère à son succès. La guerre dure depuis neuf mois. L’Italie a une intelligence politique trop avisée et trop exercée pour qu’elle ait mis aussi longtemps à peser le pour et le contre et à prendre un parti. Son intérêt est trop évidemment solidaire de celui de la Triple-Entente pour qu’elle ait pu s’y tromper. Aussi sommes-nous porté à croire que, dès le début, elle a envisagé comme inévitable le parti qu’elle paraît être sur le point d’adopter.

Pourquoi donc ne l’a-t-elle pas adopté plus tôt ? Est-ce, comme de méchantes langues l’ont dit, parce qu’elle a attendu le moment où le gros de la besogne aurait été fait par d’autres ? Rien n’autorise à croire qu’elle ait obéi à un pareil calcul. Il est naturel, avouons-le, qu’avant de se lancer dans une entreprise redoutable, elle ait tenu à se rendre compte de la valeur militaire de la Triple-Entente. Depuis plus de quarante ans, le prestige de l’Allemagne était si grand et le sentiment qu’on avait de sa puissance était si profond, que si l’Italie a voulu voir dans quelle mesure les forces en présence s’équilibreraient, nul n’a le droit de lui en faire un grief. Elle n’était pas dans la même situation que nous au commencement de la guerre. Nous avions un engagement avec la Russie ; elle n’en avait pas de semblable avec la Triple-Entente, et l’Autriche et l’Allemagne, par la manière dont