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prend ainsi le pas sur celui de la puissance balistique. Mais il ne faut pas oublier que la hauteur des collines qui dominent de très près les Narrows, — 250-300 mètres, — facilite le tir plongeant adressé aux ponts, spardecks, toits de blockhaus et de tourelles, cheminées, hunes de mâts militaires, tous organes plus vulnérables que les flancs des cuirassés. On pense qu’en combinant ces feux avec ceux des pièces battant de plein fouet qui restent disponibles dans les ouvrages permanens, on arrêtera encore les escadres assaillantes, affaiblies par les pertes que leur feront subir les engins sous-marins. Les projecteurs sont aussi rendus mobiles, et l’on s’est procuré, en vue des débarquemens possibles, tout l’attirail de la guerre moderne, tel que nous le voyons utilisé en Flandre, en Champagne, en Pologne, en Galicie. Quant aux troupes, elles sont nombreuses, et le général allemand Liman von Sanders en a pris, dit-on, le commandement. Quelle est la valeur technique et quel est l’état moral de ces rassemblemens ? Il n’est pas aisé de le savoir. Bien des bruits courent sur l’impopularité de la guerre et sur celle des officiers allemands, qu’il est prudent de n’accepter qu’avec réserve. En tout cas, le soldat turc se bat fort bien dans la défensive. Il l’a prouvé, à diverses époques, à Ismaïl, à Silistrie, à Plevna, à Andrinople et Tchataldja. Il faut compter avec cette force.

Des dispositions spéciales peuvent-elles être prises par les unités de combat des Alliés contre les mines automatiques, — fixes ou dérivantes, — et les torpilles automobiles ? Certainement. Sans avoir là-dessus aucun renseignement particulier, je suis assuré que, depuis six semaines, on a beaucoup travaillé de ce côté-là, à Lemnos, à Mitylène, à Besika ; voire à Malte et à Bizerte, s’il s’agit d’installations d’un ordre un peu plus élevé que les « moyens de fortune. » J’ajoute qu’il y a, ou qu’il est aisé de concevoir, pour déblayer un champ de mines, d’autres méthodes que celle du dragage. Mais il est inutile d’en dire plus long sur ce sujet.

On sait quelles difficultés ont éprouvées les Turcs pour obtenir, pendant la période critique qui s’est étendue du 19 février au 18 mars, un réapprovisionnement régulier de leur artillerie de côte. C’est à ce point que l’on a pu dire que la question des Dardanelles était une question de munitions. L’arsenal de Top-hané, même sous la direction habile et vigoureuse d’une équipe allemande, ne produit pas assez d’obus. Il en faut faire