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Né à Dieuze en Lorraine, ses ennemis, — il en eut de bonne heure et ne fit rien pour les calmer, — disaient qu’Edmond About avait débuté par le petit séminaire de Pont-à-Mousson, voulant marquer par-là sans doute que celui qu’on appela si souvent un petit-fils de Voltaire avait, comme son aïeul, reçu sa première éducation du clergé. En tout cas, ce ne fut pas long. En 1840, dès l’âge de onze ans, on trouve Edmond About en septième au lycée Charlemagne, dont il suivait les classes en compagnie des rares élèves d’une pension du quartier, la pension Morin. C’était un établissement comme il y en avait beaucoup alors, vivant des écoliers qu’ils menaient dans les lycées et spéculant sur leurs succès scolaires. La pension Morin en vivait mal d’ailleurs, car son chef dut la fermer à la veille de la faillite, au moment où les triomphes assurés d’Edmond About, qu’il escomptait, allaient donner à l’établissement un avantage certain. Dès la classe de sixième, About pouvait prendre part à la lutte du Concours général, et son début devait être une victoire suivie de beaucoup d’autres, qui auraient amené la prospérité chez Morin. Mais la situation financière de celui-ci était trop obérée et ne dura pas jusque-là.

Libéré de la sorte, Edmond About n’attendit pas longtemps d’être revendiqué par un autre établissement d’instruction. On conte qu’à peine rendu à sa famille, l’enfant était réclamé par un représentant de la grande institution Favart, qui faisait des offres excellentes et réussissait à emmener le jeune prodige rue Saint-Antoine, dans l’ancien hôtel de Guise-Mayenne, abritant alors cette institution. Peu après, nouvelle ambassade, venant celle-ci d’une pension rivale, la pension Jauffret, dont les propositions étaient meilleures encore, et qui parvenait à enlever à l’autre établissement l’écolier dont la possession était si convoitée. De la rue Saint-Antoine, Edmond About passait aussitôt, rue Culture-Sainte-Catherine, — aujourd’hui rue de Sévigné, — dans l’hôtel Saint-Fargeau, où se trouvait son nouveau gîte, définitif. Toutes ces négociations, ces marchandages, ouvrent un jour significatif sur la manière dont on pratiquait alors l’éducation de la jeunesse dans certains établissemens d’instruction, qui voyaient surtout dans leurs lauréats des sujets propres à faire marcher l’établissement et les traitaient en conséquence. Quelques victimes de cet état de choses en ont dit les inconvéniens, en particulier Francisque Sarcey et M. Ernest