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embelli par nos adversaires, afin de se donner une attitude. Qui de nous a jamais souhaité ou même rêvé un gouvernement clérical ? Une intrusion du clergé dans les affaires publiques ? A notre clergé, — le plus respectable qui soit, et le plus libéral, et (qui le niera maintenant ? ) le plus patriote, — nous ne demandons que l’appui et le secours, pour nos familles et pour nous-mêmes, de son saint ministère.

Quant au Pape, nous ne le regardons pas comme une Puissance séparée de nous. Il est Français en France, Anglais en Angleterre, Italien en Italie, a déclaré M. Briand, un jour où il était très bien inspiré. J’ai risqué cette interruption : « Alors, parlez-lui !… » Il n’appartient pas à une nation, encore bien moins à un parti. Un jour, un prélat romain, — qu’on dit fort influent sur la rédaction d’un journal peu favorable à la France, — m’a dit : « C’est vous, catholiques français, qui empêchez le rapprochement du Saint-Siège et de l’Italie ! » Le respect, non sans peine, m’a empêché de m’écrier : « Quelle folie ! » Nous ne souhaitons rien de plus que de voir assurée l’indépendance du Saint-Siège ; et il n’est nullement prouvé que la possession d’un petit État en soit la meilleure garantie. Peu de temps avant la guerre, un discours de Mgr l’archevêque d’Udine, un autre de M. le comte della Torre, furent, en faveur d’une entente avec l’Italie, de retentissantes manifestations. Aucun obstacle assurément ne sera apporté par les catholiques français, s’il leur est démontré qu’ils n’ont rien à craindre pour l’indépendance du chef de l’Église.

Le Pape adresse à Dieu des prières en faveur de la Paix ; j’ai entendu à ce sujet des réflexions étranges et d’ailleurs contradictoires. Un très savant médecin m’a dit : « Que sont ces empires et ces armées dans l’univers ? S’il est un Dieu, au fond du ciel, il aperçoit cette guerre monstrueuse comme un combat de fourmis ! » Sans doute, lui dis-je, si ce Dieu, quoique de plus grandes dimensions, ne possède que nos yeux et notre faculté de connaître !

Des politiques tenaient un langage contraire ; mais inspiré aussi par le même singulier anthropomorphisme. Le Pape priait pour la paix. Quelle paix ? Il faut le dire. Il faut que Dieu sache bien ce que nous accepterons ou n’accepterons pas. Et ils mettraient nos évêques en demeure de rédiger un véritable protocole : comme si le Centenier, suppliant le Seigneur de sauver