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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Le gouvernement allemand, trouvant qu’il n’a pas encore assez d’ennemis, s’ingénie pour s’en donner de nouveaux : il vient d’adresser aux neutres un Memorandum qui a produit dans le monde entier une impression de stupeur et de révolte et qui l’expose à perdre définitivement les quelques sympathies qu’il avait pu conserver. La Hollande, la Suède, la Norvège, le Danemark et, par-dessus tout, l’Amérique, en ont été vivement émus et le seront bien davantage encore si, par aventure, un de leurs navires de commerce vient à être coulé sans autre forme de procès, conformément à la menace qui leur en a été faite. Or l’Allemagne proteste que cette menace est parfaitement sérieuse, qu’elle n’est pas un bluff, qu’elle sera suivie d’une exécution certaine, et, pour mieux en convaincre l’univers, elle n’a même pas attendu son Memorandum pour torpiller sans avertissement deux navires marchands dans la Manche. Elle en a coulé deux autres dans les mers d’Irlande, après les avoir toutefois avertis et leur avoir accordé un délai de quelques minutes pour mettre leur équipage en sûreté. Un dernier exploit de sa flotte a consisté à torpiller un navire-ambulance. Chaque jour, le compte de l’Allemagne se charge de responsabilités nouvelles devant l’humanité de plus en plus indignée.

Le Memorandum dont nous parlons a été publié par le Reichsanzeiyer de Berlin. Il n’était pas absolument imprévu. Depuis quelque temps déjà, l’amiral de Tirpitz avait annoncé qu’il préparait une redoutable contre-attaque qui vengerait l’Allemagne des procédés de l’Angleterre dans la guerre maritime. L’Angleterre avait voulu affamer l’Allemagne, celle-ci lui rendrait la pareille : blocus contre blocus. Il fallait donc s’attendre à quelque chose, mais on ne savait pas à quoi, et personne assurément ne pouvait le deviner : l’invention allemande devait dépasser toutes les prévisions. Le