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France n’avait oublié sa bravoure traditionnelle, mais voici qu’elle retrouvait toute l’ardeur de son patriotisme ; l’approche de l’étranger est souveraine contre les humanitaires : elle ne les fait pas taire, mais elle les force à changer de langage. Avec la même indépendance d’humeur, elle poursuivait de la même haine l’injustice et l’oppression. La France d’alors ne professe plus les idées qui, au temps des Croisades, la poussaient à aller, loin de chez elle, délivrer le tombeau du Sauveur, mais au service d’autres idées elle met le même élan chevaleresque et le même mysticisme. La guerre qu’elle a déclarée aux préjugés et aux abus est encore une croisade. La nouvelle qu’elle annonce au monde est encore un évangile. Si la Révolution persécute le christianisme, c’est qu’on n’a jamais vu deux religions se tolérer l’une l’autre et qu’il y a une « religion de la Révolution. » Ainsi quand elle a cru rompre avec son passé, la France est restée elle-même éprise de justice et d’honneur, chevaleresque et croyante.

Tel est bien l’idéal qui peu à peu se dégage des œuvres de nos écrivains, comme il s’est révélé dans notre histoire, au cours des siècles. Jamais, en aucun temps, il n’a été un appel à la force, un défi au droit. Il s’oppose aussi bien à la violence qui détruit et à l’utilitarisme qui garde pour soi le bienfait de son activité. Il crée la richesse et il la répand ; et c’est la richesse morale. Ce qu’il poursuit c’est, partout, la diminution de la souffrance, la réparation des injustices. Il travaille à la libération des peuples, à l’affranchissement des consciences. On lui reproche de n’être qu’un rêve, une folie sublime : il répond par le meilleur des argumens, en réalisant ce rêve, en faisant contresigner cette folie par la raison. Idéal d’action désintéressée, d’ardeur généreuse, de bon sens et de bonne volonté, c’est avec lui que nous feront communier les « Journées des grands écrivains. » Le spectateur assistera à cette confession de l’âme française avec la ferveur dont nous accueillons aujourd’hui tout ce qui nous parle de la France. Il l’écoutera avec cette tendresse passionnée, et soudain si intelligente ! que nous inspirent les êtres chers, à l’instant où nous tremblons pour eux. Et insensiblement cette conclusion s’imposera à lui, ou s’y fortifiera, que notre cause est celle de l’humanité.


RENE DOUMIC